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21.11.2022, 12:26 | |
1965.12.10
Qu'est-ce que tu as à dire?... Dis. Je suis un peu troublé parce que j'ai reçu la nouvelle que mon ami s'était suicidé. Raconte-moi cela. Quel ami? Un Orpailleur. Mais tu as eu beaucoup d'amis dans la vie, non? Non. Tu étais resté en communication avec lui? C'était la personne la plus proche de moi. Tu l’avais vu la dernière fois que tu es retourné en France? Non. Où était-il? Oh! partout dans le monde, en Afrique dernièrement, un peu partout. Et d'où t'écrit-il? De Paris. Quel âge a-t-il? Un peu plus jeune que moi. Qu'est-ce qu'il t'écrit? Tu as sa lettre? Donne-la moi. C'était un révolté. Oui. Il n'a pas trouvé. Mais c'est un révolté dans le tamas, mon petit. Suicide et tamas, ça va ensemble – inconscience ou stupidité. (Mère regarde la lettre) Il ne signe pas son nom, il a écrit: «Ton frère, l’orpailleur.» Oui. C'est un intellectuel? Non, pas beaucoup. C'est un homme d'action. (Mère «regarde» encore la lettre) Tu es sûr qu'il s'est suicidé?... Moi pas. Tu n'as pas son adresse? Tu ne peux pas le savoir? Si. (Silence) Tu es encore très sensible aux formations des autres. C'est un homme que je comprends bien, avec qui j'ai vécu. Ce n'était pas du tout un homme ordinaire qui acceptait la vie comme les trois quarts des gens qui sont confortables dans la vie. Non, mais c'était un «dramatiste». Pas du tout. C'est un homme d'action et c'est un chercheur de minerai. Ça, c'est l’apparence. C'est un type très simple et très brutal. Il ne manifestait jamais rien, il ne disait jamais rien, et quand il était sensible à quelque chose, il devenait de plus en plus dur extérieurement. Un homme très brutal, sans raffinement esthétique. Seulement un homme d'action, et qui traduisait en actes ce qu'il sentait. Non, il est intuitif. Tu ne le savais pas, mais c'était un intuitif. Oui, il y avait quelque chose en lui. Quand je disais «dramatiste», je n'entendais pas physiquement; tu m'as démenti, mais je ne parlais pas physiquement, je parlais vitalement, et je sais ce que je dis. Un dramatiste vitalement... C'est possible. (silence) Il avait le goût de la liberté. C'est assez rare. Tu as l’enveloppe de la lettre? Il y a la date sur le timbre d'envoi? Oui, le 6 décembre, de Paris. Comment était-il? Petit, grand? gros, maigre, noir? Assez petit, fort, trapu, des cheveux en brosse. Les yeux? Assez foncés, noirs, je crois. Cheveux aussi? Oui. Un nez en l’air. (silence) Je me reproche de ne pas l’avoir aidé. Tu ne lui as jamais écrit? Une fois tous les deux ou trois ans. Cela n'aurait fait aucune différence. Il n'arrive que ce qui doit arriver, c'est une règle absolue. Il n'arrive que ce qui doit arriver. Et il est impensable que cela puisse être autrement. Par conséquent, se dire: «J'aurais dû faire ceci...» Cela aurait été pour ta propre satisfaction, mais cela n'aurait rien changé aux choses. Et il n'est pas mort – peut-être a-t-il perdu son corps, c'est possible, je n'en sais rien (pour moi c'est une question secondaire), mais il n'est pas mort. Mais c'est dommage quand quelqu'un se suicide. Oui, c'est dommage. C'est stupide. Mais il ne savait pas, c'est tout. Ce sont des gens qui ne SAVENT PAS. Oui, ils ne savent pas. Mais il est intuitif. Mais oui! mais ce qui est terrible, c'est qu'il y a des gens comme cela, qui ne savent pas . Il était exactement comme moi, sans la connaissance de ce qu'il y a ici, par exemple. Si je n'avais pas connu toi et l’Inde, j'aurais fait comme lui, je me serais suicidé, exactement comme lui... Mais ces gens-là, ce n'est pas de leur faute! Mais il n'y a pas de «faute»! Il n'y a jamais la «faute» de personne! (Mère rit) Ce n'est pas la faute du Seigneur! Le Seigneur n'a pas de fautes! Enfin, c'est dommage que l’on n'ait pas... Pour moi, il n'est pas mort. Je ne sais pas; peut-être qu'il est vivant physiquement, je n'en sais rien, mais pour moi il n'est pas mort. Tu veux dire qu'il est assez formé et qu'il existe sur un autre plan? Oui, il est assez conscient. Je t'ai demandé ces renseignements parce que, depuis le 5 jusqu'à aujourd'hui, j'ai vu une quantité de gens dans le Vital qui venaient de quitter leur corps, et je voulais savoir si c'était l’un d'eux. J'en ai vu deux en particulier qui étaient comme tu dis, courtauds, un peu forts, les cheveux noirs et les yeux foncés. Si j'avais une photographie, je te dirais si c'est lui ou non: comme cela, je n'en sais rien. J'en ai vu des quantités – mais pour moi, ces gens ne sont pas morts! Ils sont restés conscients, alors on n'est pas mort quand on est conscient. Et si c'est ce que je pense, c'est quelqu'un qui est venu tout droit ici – il est venu tout droit à toi, alors naturellement je l’ai vu. Et puis après!... Non, je ne m'attriste pas de la «mort», ce n'est pas cela... Tu t'attristes de ne pas avoir fait ce que tu crois que tu aurais dû faire. Non... Et puis, c'est la souffrance que ça représente – la souffrance inutile. Tu ajoutes ta propre souffrance inutile à toutes les autres! – Je ne vois pas ta logique. Ça, c'est la leçon for-mi-dable que Sri Aurobindo nous a donnés, et je l’ai pris comme cela. Quand il est parti, la première chose que j'aie dite: «Tout le monde peut mourir maintenant, cela n'a au-cune importance.» Et c'était absolument vrai, et ça a été absolument vrai depuis ce jour-là. Absolument aucune importance. Et j'ai maintenant avec Sri Aurobindo une intimité que je n'avais pas quand il vivait dans un corps physique: il était occupé d'un côté, moi j'étais occupée de l’autre, nous ne nous parlions jamais. Nous étions très proches, tout à fait proches, tout à fait un, SUR LE MÊME PLAN QUE MAINTENANT. Et maintenant, quand je veux savoir quelque chose, quand je veux avoir une réponse à une question, je n'ai qu'à faire comme cela (geste de silence immobile) et j'ai la réponse. Avant, je pouvais être occupée dans une chambre et lui dans une autre, et je n'avais même pas le temps ni la possibilité de lui demander le renseignement. Ce n'est pas que j'approuve la mort! Je lutte contre elle autant que possible, c'est pour moi un mensonge – la mort et le mensonge, ça se tient. Mais... c'est une apparence. Quand on accepte le mensonge, ça vous fait souffrir. Quand on n'accepte plus, on sourit. On sourit, il n'y a pas autre chose à faire, qu'à sourire. Ce n'est pas du tout sa mort qui me fait quelque chose, mais... Eh bien, mon petit, assieds-toi une minute, tiens-toi tranquille, appelle ton ami et dis-lui: «Voilà; voilà ce que je voulais te dire, voilà ce que j'aurais dû t'enseigner, voilà; maintenant apprends-le de moi (je veux dire, toi), de ma conscience. Maintenant, je te mets dans la Lumière; maintenant, je te mets dans la Connaissance; maintenant, apprends tout ce que tu es capable d'apprendre», et puis c'est fini. Tu auras fait le mieux que tu pouvais faire. C'est parce qu'il y a encore dans ta conscience extérieure le doute sur la réalité invisible; ce n'est pas autre chose que cela, et quand «ça» qui se voit, qui se touche, s'en va, c'est pénible. Non, ce n'est pas cela... Mais moi, je te dis: ce qui t'a affecté, c'est qu'il y avait dans cette lettre une formation vitale très forte (qui l’influençait lui-même), une espèce de... (je m'excuse, parce que je ne veux pas faire de mal à ton amitié ou à ton souvenir), mais c'est une espèce de drame qu'il se jouait à lui-même – d'ailleurs, tous les gens qui se suicident sont comme cela, SANS UNE EXCEPTION. C'est un drame qu'il se jouait à lui-même et qu'il vivait très fortement dans le vital, et cette formation est venue sur toi avec la lettre et c'est cela qui t'a troublé. Je le sais, parce que ma première réaction en lisant la lettre a été le sourire – le sourire que j'ai devant les drames du vital. J'en suis absolument sûre, tu pourrais me jurer que c'est autrement, ça ne ferait aucune différence. J'en suis absolument sûre. Il a été la première... on peut dire «victime», si tu veux, la première victime du drame, mais c'est venu sur toi, ça s'est jeté sur toi avec la lettre. Un drame dans le vital. Et c'est un drame dans le vital, toutes ces choses sont des drames dans le vital-Écoute, justement ces jours-ci – ces jours-ci entre le 5 et le 9 –, je revis toujours les minutes que j'ai vécues en 1950, et je les vois toujours à la lumière de la connaissance que j'ai acquise, et j'ai vu, j'ai vu à quel point la douleur, le chagrin, le regret... surtout ce regret de ne pas avoir fait ce que l’on aurait dû faire, qui est encore une absurdité parce que NÉCESSAIREMENT on a fait ce que l’on devait faire – on n'était pas ce que l’on devait être et on doit changer et c'est pour cela qu'il faut changer –, mais on a fait ce que l’on devait faire parce que l’on ne peut pas faire autre chose que ce que le Seigneur vous fait faire, et Il vous fait faire la chose qui, à la fois, est la meilleure possible pour le tout et la meilleure possible pour votre propre progrès. Voilà. Par conséquent, tous les regrets sur le «j'aurais dû... je n'aurais pas dû...», ce sont des niaiseries. Tu comprends, je dis cela avec toute la puissance de la connaissance vécue dans tous les détails. Je le SAIS. Et c'est justement le moment de l’année où je le sais le mieux, de la façon la plus vivante et la plus concrète, et la plus puissante. Ça va bien, c'est un bon garçon, il a de l’étoffe, il ira. S'il a vraiment actuellement laissé son corps, on lui en donnera un autre. Voilà. Oui, c'était un bon garçon. Oui, c'est un bon garçon. Oh! maintenant je le connais bien. Maintenant, je le connais. Un bon garçon. C'est très bien. Mais il est ici, vitalement. Ça va bien. Tu n'as qu'à lui donner toute l’affection que tu avais pour lui, exactement comme s'il était physiquement à côté de toi. Tu lui donnes ton affection et tu fais pour lui, comme cela, dans le silence intérieur, ce que tu aimerais faire s'il était là physiquement – et ça ne fait aucune différence, voilà. C'est là-dessus que j'insiste, c'est cette illusion – cette illusion collante – qui s'agrippe à notre conscience, que la réalité c'est ça (Mère pince la peau de ses mains): ça, c'est le mensonge; ça, c'est l’illusion, parce que ce n'est pas l’expression correcte de la réalité. Et les révoltés (ils ne savent pas, ils sont ignorants), mais ils sont révoltés parce que les choses ne sont pas comme elles doivent être, et au lieu de se dire (parce qu'ils n'ont pas la connaissance), au lieu de se dire: «Maintenant, je vais travailler à ce que ça devienne ce que ça veut être, ce que ça doit être», ils s'en vont. Ils disent: «Non, je n'accepte pas le monde comme il est.» C'est très bien. C'est très bien, il ne faut pas l’accepter, personne ne vous demande de l’accepter comme il est, mais si vous êtes de bonne volonté, aidez à ce que ça change. Maintenant, il comprendra. Oui, c'est ce qu'il faut Il comprendra. Non, tant que le monde n'est pas changé, la mort n'a aucune importance, et quand le monde sera changé, il n'y aura plus de mort, voilà tout. Ou alors ce sera la mort pour les plantes, la mort pour les animaux, la mort pour l’homme (l’homme-homme), et pour eux, ce sera un état tout à fait naturel, et il n'y aura pas de quoi se lamenter. La mort telle qu'on la comprend au-dedans, c'est la perte de la conscience... Ce serait la chose la plus... la plus épouvantable, la plus horrible, si c'était possible. Mais ce n'est pas possible. Si on a la conscience, on ne peut pas la perdre. Il y a des choses qui n'ont pas encore la conscience, alors petit à petit, petit à petit, elles apprennent à l’avoir; mais la conscience que l’on a, on ne peut pas la perdre, ce n'est pas possible. Toutes les morts du monde ne peuvent pas vous l’enlever, et c'est pour cela que l’on sourit – essaye, mon petit! C'est impossible. La conscience est une chose éternelle. La conscience est divine, la conscience est éternelle, et RIEN ne peut la détruire. Les apparences, c'est autre chose. Et ce n'est que l’inconscience qui est détruite (c'est-à-dire qu'il y a l’apparence de la destruction), mais pas la conscience. Et alors, tout le drame – toute la tragédie, toute l’horreur, toute l’épouvante, tout cela –, c'est de la fabrication vitale. Eh bien, ceux qui sont les guerriers de Dieu ne se laissent pas affecter par cela. On sourit: «Oui-oui! vous pouvez nous jouer le grand jeu, ça nous est égal; jouez le grand jeu si cela vous amuse.» Nous savons que ce n'est qu'un jeu – un vilain jeu, si vous voulez, il n'est pas joli, mais ce n'est qu'un jeu. ............................................................................................................................................................................. Petit, c'est pour t'aider à faire un pas en avant. C'est très bien. Tu sais, la grande difficulté, c'est cette importance et surtout ce sens de réalité absolue que nous donnons à la vie physique. Ce n'est pas la vie physique qui est importante: c'est la Vie; ce n'est pas la conscience physique qui est importante: c'est la Conscience. Et alors on se sert... eh bien, de la matérialité que l’on veut, quand on est libre. Il faut pouvoir prendre, laisser, prendre, laisser... et utiliser comme on veut; que l’on soit les maîtres de la Matière – pas la Matière qui s'assoit sur vous et qui vous oblige, qu'est-ce que c'est que ça! Et c'est cela, c'est parce que, dans votre être intérieur, vous avez le souvenir d'une Liberté que vous vous révoltez contre l’esclavage ici (c'est un esclavage dégoûtant), seulement il vous manque la connaissance que c'est seulement la conscience qui peut tout changer. Flanquer tout en l’air, ce n'est pas le moyen de changer les choses, c'est tout. Mais ton ami, c'est fini, je l’ai pris avec moi. Ça va bien.
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