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05.07.2018, 13:17 | |
1962.07.04 (1) 1962.07.04 (2)
l’autre jour, Pavitra m'a dit en passant: «Mais la science moderne ne nous suivrait pas et ne nous croirait pas», et la raison qu'il donne, c'est qu'il ne faut faire que des «hypothèses indispensables» et que nos hypothèses (ils prennent notre science pour des hypothèses parce qu'ils n'ont pas d'expérience), «vos hypothèses ne sont pas indispensables.» Je n'ai pas discuté, sinon je lui aurais dit: «Nous ne faisons pas d'hypothèses, le moins du monde; simplement nous... we state our expériences» [nous énonçons nos expériences]. Ils sont libres de ne pas nous croire, de croire que nous sommes à moitié fous ou des hallucinés – c'est leur affaire, ça les regarde –, mais nous ne faisons pas d'hypothèses, nous parlons de choses que nous savons et dont nous avons l’expérience. Mais après cela, j'ai eu pendant quelques heures la vision de cet état d'esprit, et j'ai trouvé qu'il n'y avait pas du tout besoin de faire des hypothèses (parce que Pavitra parlait de l’«hypothèse» des différents états d'être), et c'est justement ce que je t'ai dit, que j'avais dépassé ce stade: je n'ai plus besoin des dimensions intérieures [Voir conversation du 24 mai 1962.]. Et j'ai vu (n'est-ce pas, je voyais cet état d'esprit matérialiste), je disais: «Ils sont obligés, justement par leurs expériences, d'admettre l’unité – en tout cas l’unité de substance –, et d'admettre l’unité suffit pour avoir la clef de tout le problème!» Ça m'a de nouveau fait voir que peut-être, au fond, cette dernière expérience [du 13 avril] était pour me libérer de TOUTES les connaissances passées, et que... la Vérité peut être vécue sans avoir besoin de tout ça. Je n'ai pas besoin de toute cette terminologie, ni de celle de Sri Aurobindo, ni naturellement des autres; je n'ai pas besoin de toutes ces classifications, je n'ai pas besoin de toutes ces expériences – j'ai besoin d'UNE expérience, celle que j'ai. Et que j'ai en toutes choses et en toutes circonstances: l’expérience de l’Unité éternelle, infinie, absolue, qui se manifeste dans le fini, le relatif et le temporel. Et ce processus de changement, à la recherche duquel je suis, de plus en plus ne me paraît pas être un problème; après avoir paru être le dernier problème, ça ne me paraît pas un problème, parce que... mais ça, alors, ça ne peut pas se dire... – il Lui plaît d'être ainsi, Il est ainsi. Et simplement, le secret est d'être dans le «il Lui plaît.» 1. Voir conversation du 24 mai 1962. De ne pas être seulement ce qui est objectivé, d'être aussi dans Ce qui objective. C'est tout. Avec ça, je n'ai besoin d'aucune autre théorie. (silence) Et si c'est poussé à l’extrême, si l’identification est parfaite, c'est NÉCESSAIREMENT la toute-puissance. Au fond, ce n'est que la toute-puissance qui pourrait convertir le monde, convaincre le monde. Le monde n'est pas prêt pour l’expérience de l’Amour suprême – l’Amour suprême supprime tout problème, même le problème de la création: il n'y a plus de problèmes, je le sais depuis cette expérience [du 13 avril]. Mais le monde n'est pas prêt. Il lui faudra peut-être quelques milliers d'années pour être prêt. Mais le monde commence à être prêt pour la manifestation du Pouvoir suprême (ce qui semble indiquer que c'est ça qui se manifestera d'abord). Et le Pouvoir suprême viendrait d'une identification CONSTANTE. C'est cette constance qui n'est pas là définitivement – on est et puis on n'est plus, on est et puis on n'est plus. C'est ça qui retarde indéfiniment. C'est-à-dire qu'on fait justement ce que l’on dit aux gens de ne pas faire! on a un pied ici et puis un pied là – ça ne va pas. (silence) Il doit y avoir des lois – des lois qui doivent être l’expression d'une Sagesse qui nous dépasse –, parce que ça a l’air de suivre une sorte de courbe, que je ne comprends pas parce que je suis dans la courbe; c'est seulement quand c'est fini qu'on comprend la chose, quand on est au bout, mais je suis en plein milieu, peut-être au tout commencement... (long silence) On pourrait dire des choses assez jolies, mais qui n'expliquent rien, comme par exemple ceci, cette impression qu'il est nécessaire de mourir à la mort pour naître à l’immortalité. Ça ne veut rien dire, mais ça correspond à quelque chose. Mourir à la mort, c'est-à-dire devenir incapable de mourir parce que la mort n'a plus de réalité. Ça, c'est quelque chose qui commence à – je ne peux pas dire «cristalliser» c'est beaucoup trop dur... c'est comme un souffle léger qui se concrétise. (silence) N'est-ce pas, il y a N.S qui est parti. C'est le résultat d'un accident (son cœur était en mauvais état et ça le préoccupait), enfin il est tombé; probablement il s'est évanoui et, tombé évanoui, il s'est cassé la tête. Et il a eu une hémorragie cérébrale qui l’a rendu «inconscient» (tout cela, c'est la science moderne qui parle!). Au moment de l’accident, il est venu me trouver (pas dans une forme précise, mais un état de conscience que j'ai reconnu imédiatement). Et il est resté là, dans une confiance totale et une paix béati-fique, SANS BOUGER – sans bouger dans aucun état d'être, n'est-ce pas, comme cela, absolument... (geste d'abandon), une confiance totale-totale: ce qui arrivera, arrivera, ce qui est, est; sans discussion, sans même besoin de savoir. Et puis, une paix confortable, a great ease [une grande aise]. Ils ont essayé, lutté, fait des opérations, etc. – pas bougé, rien ne bougeait. Et puis, un jour, ils ont déclaré qu'il était mort (entre parenthèse, il paraît que, médicalement, quand le corps est mort, pendant quelques secondes le cœur continue des petites pulsations, et puis ça s'arrête et c'est fini). Pour lui, ces petites pulsations (qui ne suffisent pas à envoyer le sang) ont continué pendant une demi-heure. C'est-à-dire que c'est le genre de pulsations que l’on a quand on est en état de transe (ils semblent être d'une ignorance crasse, tous! mais enfin, ça ne fait rien) et ils ont dit oooh! même les docteurs ont dit «Ooh! c'est un grand yogi parce que c'est seulement aux yogis que ça arrive.»... Qu'est-ce qu'ils veulent dire? je n'en sais rien; moi, je sais que ces pulsations-là, qui ne suffisent pas à envoyer le sang dans le corps (ce qui fait que le corps est en état cataleptique) suffisent à garder la vie, et que c'est comme cela que tous les yogis peuvent rester des mois en transe. Mais enfin, je ne sais pas quel genre de docteurs c'est (probablement très modernes), mais c'est quelque chose qu'ils ne connaissent pas. Enfin, pour lui, ça a duré une demi-heure à leur connaissance (généralement c'est l’affaire de quelques secondes). Bon. Et alors leurs remarques. Pendant tout ce temps-là, il était là, immuable. Tout d'un coup, j'ai senti une sorte de tremblement, j'ai regardé – il n'était plus là. J'étais occupée, je n'ai pas regardé l’heure, mais c'était dans l’après-midi, c'est tout ce que je sais. Puis on est venu me dire qu'on avait décidé de le brûler – et qu'on l’avait brûlé à ce moment-là. Cet homme avait été extériorisé violemment par la brutalité de l’accident; il devait être à ce moment-là en train de penser à moi, avec cet état de confiance. Il est venu, il n'a pas bougé – il n'a jamais su ce qui arrivait à son corps! Il n'a pas su qu'il était mort! et si... Tout d'un coup, je me suis dit: «Cette habitude de brûler les gens est une chose d'une brutalité effroyable!» (on leur met le feu dans la bouche pour commencer). Il ne savait pas qu'il était mort et c'est comme cela qu'il a appris qu'il était mort! par la réaction de la vie de la forme dans le corps. Parce que la vie de la forme dans le corps, même quand le corps est tout à fait en mauvais état, ça prend au moins sept jours pour sortir – la vie de la forme prend sept jours. Et pour quelqu'un qui a fait des exercices yoguiques, cette vie est CONSCIENTE. Alors vous brûlez les gens quelques heures après que les docteurs ont déclaré qu'ils sont morts, et la vie de la forme est tout à fait vivante et, chez les gens qui ont fait du yoga, consciente. Voilà. Ça m'a un petit peu... Tandis que dans l’état où il était, ça ne faisait AUCUNE DIFFÉRENCE pour lui, être mort ou vivant – c'est ça qui était intéressant! Il était dans un même état, béatifique, confiant, paisible, et tout doucement je l’aurais probablement mené au monde psychique, ou ailleurs, suivant l’indication reçue de ce qu'il devait faire. Il n'aurait jamais su qu'il était mort. Ça m'a ouvert une porte. Et c'est parce qu'on l’a brûlé que, tout d'un coup (Mère a comme un violent tremblement), il a été mis violemment en contact avec la destruction de la forme du corps. Ce doit être la vie de la forme qui se précipitait: projetée hors du corps de la façon la plus violente, elle a dû se précipiter sur lui! Et alors naturellement... (silence) Tout d'un coup, je me suis dit: «Mais il continuait à être, à vivre, à avoir l’expérience, absolument INDÉPENDANT de son corps, n'ayant aucun besoin du corps pour avoir son expérience.» Et avec ma protection et ma connaissance, j'aurais pu, ou le mettre dans un lieu de repos, ou alors le mettre en rapport avec un autre corps si c'était nécessaire, et puis c'était fini. Maintenant, naturellement, ça a fait un désordre et il faut attendre que tout ça soit calmé. Mais on peut mourir sans savoir qu'on est mort. Et garder sa pleine conscience – il était tout à fait conscient, béatifique. Je trouve ça important, une expérience importante. Je n'ai dit à personne ce qui est arrivé au moment où on l’a brûlé, parce que ces gens seraient tout à fait misérables et malheureux. J'ai dit seulement qu'il était venu à moi. Alors ne raconte cela à personne. Il ne faut pas qu'on le sache. Non pas que ce soit irrémédiable, mais enfin c'est une expérience qui n'est pas agréable. Mais c'est venu à moi comme pour me mettre en contact avec cette possibilité. (silence) Dans la conscience ordinaire, ce qui gêne beaucoup pour l’expérience, c'est que nous sommes beaucoup trop attachés à la forme physique telle que nous la voyons, et qui nous paraît être une réalité définitive de l’être. J'essaye de faire comprendre cela aux gens par une démonstration; c'est-à-dire qu'il est très rare que j'apparaisse aux gens sous une forme même similaire à celle que... j'allais dire «j'ai eue», physiquement. C'est toujours suivant ce avec quoi ils sont en rapport, ce qui est le plus intime avec eux – toutes sortes de formes. Et j'essaye de leur faire comprendre que ÇA, c'est aussi vraiment ma forme que ça (Mère touche son corps). Et à dire vrai, c'est beaucoup plus vraiment ma forme que ça. Quant à la forme vraie – la vraie Forme –, il faut être capable d'entrer en relation avec le Suprême pour pouvoir supporter de la voir. Et alors quand on dit: «Je veux vous voir, je vous vois», c'est leur identification avec l’aspect de moi qu'ils connaissent. Mais toute cette cascade de formes sont toutes tout aussi vraies; et la plupart d'entre elles plus vraies que n'a jamais été ça [le corps], qui était toujours, oh! lamentablement approximatif – pour ma conscience: une caricature. Pas même une caricature: aucune ressemblance. Ça avait ses qualités (décidément, je parle toujours au passé! c'est spontané), ça avait ses qualités, et c'est pour cela qu'il a été fait comme ça et choisi. Au point de vue utilité, c'était très nécessaire, mais au point de vue manifestation!... Mais peut-être que si ça avait été vraiment expressif, quelque chose de tout à fait parlant, il y aurait eu plus d'hésitations à... à le laisser aller. Il n'y a jamais eu un très grand attachement à cette forme. Il n'y avait d'attachement (même en soi-disant pleine Ignorance), il n'y avait d'attachement que pour la conscience; ça, il y avait quelque chose qui tenait très fort à cette conscience, qui ne voulait pas qu'elle soit détruite, qui disait: «C'est une chose précieuse.» Mais le corps... Non, ce n'est même pas un très bon instrument, même pas. Seulement: modeste, plastique, ne s'affirmant pas, mais se modelant sur toutes les nécessités. Capable de se modeler sur tous les points de vue et de réaliser tout idéal qu'il concevait mériter d'être réalisé – ça, cette souplesse-là, c'était sa vertu. Et une grande modestie, en ce sens qu'il n'avait jamais l’idée de vouloir s'imposer à rien ni à personne. Tout à fait conscient de son incapacité, mais... capable de tout faire et de tout réaliser. Cette structure-là, c'est celle qui a été faite consciemment au moment de la formation, parce que c'était ça qui était nécessaire... Et rien n'est trop grand, rien n'est écrasant, parce qu'il n'y a pas la résistance d'une petite personnalité qui se sent toute petite – ça n'a aucune importance, mais LA CONSCIENCE. La conscience vaste comme l’univers, et plus. Et avec la conscience, la capacité de s'adapter – s'adapter, se modeler sur toutes les nécessités. Et encore maintenant, le seul sentiment que j'ai de cette forme, c'est qu'elle est trop fixe. Ces très grandes révélations intérieures, ces très grands mouvements de conscience créatrice, eh bien, c'est tout le temps hampered par ça [entravé]. Ça essaye, ça essaye de son mieux, mais c'est encore régi par des lois d'une fixité lamentable! lamentable. Combien de temps il faudra pour surmonter ça? Il ne faut pas être pressé. (silence) Quel genre de conclusions peut-on tirer de l’expérience de N.S? Pratiquement, ça ouvre la porte à quoi? Ça dépend des cas. Là, je les ai laissés décider parce que je ne m'occupe pas de ces affaires, mais j'avais suggéré qu'on le garde jusqu'au lendemain, et pendant la nuit j'aurais fait quelque chose. Ils étaient pressés – ils sont toujours pressés... Je ne dis même pas de ne pas brûler, parce qu'il y a AU MOINS quatre-vingt-dix-neuf cas sur cent où c'est la meilleure chose à faire. Il n'y a qu'une chose, c'est que les hommes deviennent sages, et ils ne sont pas sages. Ils acceptent une loi, un principe, et puis il faut qu'ils le suivent aveuglément, parce qu'ils n'ont pas de sagesse. Mais si j'avais pris la responsabilité (je n'ai pas pris la responsabilité volontairement, pour d'autres raisons), j'aurais dit: «Gardez-le jusqu'à demain matin», et dans la nuit, j'aurais fait quelque chose. Mais ça, c'est un cas sur des millions, n'est-ce pas. On ne peut pas ériger ça en principe. Non, je voulais dire: quelles conclusions pour toi, pour ton expérience, peut-on tirer de cette histoire? Ah! moi, mon expérience! Mais c'est qu'on peut mourir sans savoir qu'on est mort! On peut mourir (ce que les hommes appellent «mourir») sans savoir qu'on est mort, par conséquent ça n'a pas une importance capitale. Les hommes disent: «Il est inconscient»; ils considèrent qu'il est devenu inconscient parce que rien ne se manifestait dans le corps, et le corps était réduit à un minimum de conscience (il y en avait une puisque ça a réagi!), mais tout à fait un minimum, quelque chose sans grand pouvoir de réaction parce que ce n'était pas un yogi parfait, c'était seulement un apprenti yogi. Par exemple, un homme qui aurait fait un hatha-yoga, ç'aurait été tout à fait différent pour lui, ç'aurait été beaucoup plus sérieux. Mais je veux dire que N.S était là, à côté de moi, tout à fait conscient, qui pouvait passer à un autre mode de manifestation sans même passer par les affres de la mort – ce n'est pas du tout indispensable! C'est ça mon expérience, que je trouve très importante, très importante. C'est la première fois que ça arrive d'ailleurs, parce que tous les gens (comme I, par exemple), qui ont été projetés hors de leur corps violemment, par un accident, au bout d'un certain temps ils redeviennent conscients: ça se rassemble. Tandis que là, sa conscience n'a jamais été dispersée, il n'a jamais perdu conscience. Son heure était venue – ça, je l’ai su au moment de l’accident, j'ai su que c'était son heure, c'est-à-dire qu'il devait quitter son corps. Son heure était venue mais on a arrangé les circonstances («on», tu sais, je dis «on» simplement pour ne pas dire...), «on» a arrangé les circonstances pour que ça puisse apporter son maximum d'utilité. Ça m'a fait comprendre beaucoup de choses... Pratiquement, n'est-ce pas, il faut avoir beaucoup d'expériences pour apprendre. Mais pour avoir ces expériences, c'est-à-dire pour tirer profit de ces expériences, il faut déjà être de l’autre côté. Parce que j'ai appris bien des choses jusqu'à ce moment-là [13 avril], mais je les apprenais comme ça, c'est-à-dire en étant de ce côté-ci de la barricade. Maintenant je suis de l’autre côté de la barricade. Au moins en grande partie, pas totalement. Voilà. Alors continue ton livre. La prochaine fois, tu me liras la suite. Ça ne va pas vite! Ça ne fait rien. Mais vite, qu'est-ce que c'est que vite! Moi je trouve... tiens, depuis le 13 avril, je trouve que les hommes sont toujours pressés pour rien. Ils se dépêchent toujours comme s'ils devaient attraper un train! Mais pourquoi??... C'est une des grosses erreurs – grosses erreurs. Pourquoi se dépêcher? Il y a une espèce de vibration intérieure; ça correspond à quelque chose qui vibre tout le temps, qui gâte tout. Tout ce qu'ils font, ils le font vite, comme s'il y avait quelque chose qui les poussait – ils mangent vite, ils se meuvent vite, ils dorment vite, ils font leur toilette vite, ils parlent vite. Mais pourquoi? Pourquoi être si pressé? C'est une expérience constante! Et je suis obligée de me retenir pour ne pas dire: «Mais pourquoi vous pressez-vous?» Dès qu'on s'arrête de se presser, on commence à être dans une vibration plus vraie.
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