эволюционная трансформация человека

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Том 2. 29 апреля 1961
05.05.2017, 17:26
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1961.04.29 (1)

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1961.04.29 (2)

 

59 – L’un des plus grands réconforts de la religion est que, parfois, vous pouvez empoigner Dieu et lui donner une satisfaisante raclée. Les gens se moquent de la sottise des sauvages qui battent leur dieu lorsque leurs prières ne sont pas exaucées, mais ce sont les moqueurs qui sont sots et sauvages.

Alors... pauvre T! elle me demande: «Que veut dire (riant) donner à Dieu une satisfaisante raclée? Comment est-ce que c’est possible?...» Je n’ai pas répondu encore. Et puis elle ajoute une autre question: «Beaucoup de gens disent que les enseignements de Sri Aurobindo sont une religion nouvelle. Est-ce que, Toi, tu appelleras cela une religion?...» Tu comprends, j’ai commencé à fumer!

J’ai écrit (Mère lit sa réponse:)

«Ceux qui disent cela sont des sots qui ne savent même pas de quoi ils parlent! Il suffit de lire tout ce que Sri Aurobindo a écrit pour savoir qu’il est IMPOSSIBLE [souligné] de fonder une religion là-dessus, puisque, pour chaque problème, chaque question, il présente tous les aspects en montrant la vérité contenue dans chaque approche et il explique que pour atteindre à la Vérité, il faut effectuer une synthèse qui dépasse toutes les notions mentales et émerger dans une transcendance au-delà de la pensée.

«Ta seconde question n’a donc pas de sens (!) D’ailleurs si tu avais lu ce qui a paru dans le dernier Bulletin, tu n’aurais pas pu la poser.

«Je répète que lorsque nous parlons de Sri Aurobindo, il ne peut être question d’enseignement ni même de révélation, mais d’une Action du Suprême; sur cela, aucune religion ne peut être fondée.»

Ça, c’est le premier coup de feu.

Le second: «Les hommes sont si fous (riant: ça ne va pas mieux!) qu’ils peuvent changer n’importe quoi en une religion tant ils ont besoin d’un cadre fixe pour leur pensée étroite et leur action limitée. Ils ne se sentent en sécurité que lorsqu’ils peuvent affirmer: «Ceci est vrai et cela ne l’est pas», mais cette affirmation devient impossible à quiconque a lu et compris ce que Sri Aurobindo a écrit. La religion et le yoga ne sont pas situés sur le même plan de l’être, et la vie spirituelle ne peut exister dans sa pureté que si elle est libre de tout dogme mental.»

Il est bien nécessaire de faire comprendre cela aux gens.

N’est-ce pas, c’est indispensable!

Ils sont tous toujours prêts – à l’Ashram même – ils sont prêts à faire une religion.

Oui, ce que T dit, ce sont des gens de l’Ashram.

Ils sont aussi sectaires qu’un catholique, qu’un protestant...

Oui, la MÊME chose. La même chose. C’est-à-dire qu’ils n’ont rien compris.

Mais ça: «Comment est-ce qu’on peut donner une raclée à Dieu?» (Mère rit beaucoup) Ça, c’est amusant, non!

Mais qu’est-ce qu’il entendait au juste?

Ce que Sri Aurobindo a voulu dire?...

Tu as le texte anglais? Nous l’avons peut-être un peu... vulgarisé?

Le mot anglais est «beating»: a good beating.

«Beating»? Alors c’est bien cela: une raclée!

La religion a toujours tendance à humaniser ou à faire un Dieu à l’image de l’homme – une image magnifiée et agrandie, mais c’est toujours un dieu, au fond, qui a des qualités humaines. Et cela crée (riant) une sorte d’intimité, de proximité!

T l’a pris au pied de la lettre, mais il est vrai que même les Espagnols, quand leur dieu ne fait pas ce qu’ils veulent, ils le prennent et ils le jettent dans la rivière!

Il y a des gens ici qui le font. Je connais des gens qui avaient chez eux une statue de Kali (c’était la divinité de leur famille) et il leur arrivait toutes sortes de calamités, et la dernière génération est devenue furieuse: ils ont pris l’idole et ils l’ont jetée dans le Gange. Et par-dessus le marché (ils ne sont pas seuls, il y en a plusieurs), il y en a un qui m’a demandé la permission avant de le faire!

C’est cette façon de faire un dieu à l’image de l’homme qui vous donne la possibilité de le traiter comme vous traiteriez un ennemi humain.

Il y aurait beaucoup de choses à dire...

Mais ces idoles ne sont pas seulement des créations humaines, elles ont une existence en soi?

Oh! j’ai eu des révélations à ce point de vue, très intéressantes, sur la façon de penser et de sentir des gens. Je me souviens, une fois, quelqu’un avait fait une petite statue de Sri Aurobindo; il lui avait donné un ventre et... enfin, pour moi, c’était ridicule; j’ai dit: «Comment pouvez-vous faire une chose pareille?!» Alors il m’a expliqué que même si, pour l’œil ordinaire, c’est une caricature, du moment que c’est une image de celui que l’on considère comme Dieu, ou comme un dieu, ou comme un Avatar, du moment que c’est l’image de celui qu’on adore, ne serait-ce qu’un gourou, ça contient l’esprit et la force de sa présence et c’est cela qu’on adore, même dans la forme grossière, même si c’est une forme, pour l’œil physique, tout à fait caricaturale.

Il y avait quelqu’un qui avait fait une grande peinture de Sri Aurobindo et de moi: on l’a apportée ici pour me la montrer. J’ai dit: «Oh! c’est affreux.» C’était... n’est-ce pas, pour l’œil physique c’était affreux. J’ai dit: «C’est affreux, on ne peut pas garder ça.» Alors imédiatement il y a quelqu’un qui me l’a demandée et qui m’a dit: «Je vais l’installer dans ma maison, et je ferai mon poudjâ devant.» Ah!... Je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire: «Comment? vous pouvez ériger une chose pareille! (ce n’était pas tellement laid que d’une banalité effroyable), vous pouvez faire votre poudjâ devant quelque chose d’aussi banal et d’aussi vide!» Cette personne m’a répondu: «Oh! pour moi ce n’est pas vide; ça contient toute la présence et toute la force, et je l’adore comme la Présence et la Force.»

Tout cela est basé sur cette vieille idée que quelle que soit l’image (ce que nous appelons dédaigneusement une «idole»), quelle que soit la forme extérieure de la divinité, il y a toujours la présence de la chose représentée. Et il y a toujours quelqu’un – que ce soit un prêtre ou un initié, ou un sadhou, un sannyasin –, quelqu’un qui a le pouvoir et qui tire (généralement c’est la besogne des prêtres), qui tire la Force, la Présence dedans. Et c’est véritable: il est tout à fait réel que la Force, la Présence est LÀ; et c’est cela (ce n’est pas la forme de bois ou de pierre ou de métal) que vous adorez, c’est cette Présence.

Les Européens n’ont pas le sens intérieur, du tout. Pour eux, tout est comme ça (geste), c’est une surface – même pas: une pellicule de surface. Et il n’y a rien derrière. Alors ils ne peuvent pas sentir. Mais c’est un fait, c’est un fait absolument réel que la Présence est là, je le garantis. J’ai des petites choses de métal, de bois ou d’ivoire qu’on m’a données, qui représentent certains dieux; il suffit que je les prenne dans ma main pour que le dieu soit là. J’ai des Ganesh (on m’a donné beaucoup de Ganesh), je le prends dans ma main, je le regarde une minute: il est là. J’en ai un à côté de mon lit (là où je travaille, là où je mange, là où je médite), petit comme ça, qui m’a été donné. Et puis il y a un Narayana qui vient de l’Himalaya, de Badrinath. Ils me servent tous les deux de presse-papiers sur mes mouchoirs! (j’ai mes mouchoirs là, sur un petit tabouret à côté de mon lit, et sur eux j’ai Ganapati et Narayana), et personne n’y touche, sauf moi: c’est moi qui les enlève, mets le nouveau mouchoir, les remets dessus. Une fois, je me suis fait moi-même de la pâte pour les ongles (!) et avant de la mettre sur mes ongles, j’en ai mis sur le front de Ganapati, sur son estomac et sur le bout de ses mains! Et nous sommes en très bons termes, très amicaux. Alors, pour moi, n’est-ce pas, tout cela est très vrai.

Seulement...

Le Narayana est venu le premier. Je l’ai mis là et je lui ai dit de rester là et d’être satisfait, content. Quelque temps après, on m’a apporté un très joli Ganapati; alors j’ai demandé à Narayana (je ne lui ai pas demandé sa permission, mais je lui ai dit): «Tu sais, tu ne vas pas être fâché, je vais te donner un compagnon; je vous aime bien tous les deux, il n’y a pas de préférence – l’autre est beaucoup plus joli, mais toi, tu es Narayana!» Je l’ai flatté! Je lui ai dit des choses aimables – il était parfaitement content.

Et pour moi, ça a toujours été comme cela, toujours. Et je n’ai jamais-jamais eu le sens religieux – tu sais, ce que les gens appellent (ce qu’ils ont dans les religions, surtout en Europe) cette espèce de... je ne vois que le mot anglais: awe [la crainte de Dieu], comme une sorte de terreur. Ça m’a toujours fait rire! Mais ce qui est derrière, les présences: ça, je l’ai toujours senti.

Je me souviens d’être entrée une fois dans une église, que je ne nommerai pas (je trouvais que c’était un très bel endroit). Ce n’était pas un jour de fête ni de cérémonie: c’était vide. Il y avait une ou deux, trois personnes qui étaient en prières. Je suis entrée et je me suis assise dans une petite chapelle latérale... Ah! tout d’un coup (il y avait quelqu’un qui était en prières là, ce devait être quelqu’un qui avait des misères: elle pleurait et priait), j’ai vu... (il y avait une statue, je ne sais plus de qui, si c’était du Christ ou de la Vierge ou d’un saint, je n’en sais rien), mais à la place de la statue, j’ai vu une araignée énorme, comme... les tarentules, tu sais, mais comme ça (geste), formidable! qui couvrait tout le mur de la chapelle et qui était là, comme ça, pour avaler toutes les forces vitales des gens qui venaient. C’était... c’était douloureux. Je me suis dit: «Voilà! ces gens...» Il y avait cette personne qui était misérable, qui était venue chercher secours, qui pleurait là et qui priait, qui espérait avoir un secours; et au lieu que cela aille à une conscience au moins compatissante, ça faisait la nourriture de ce monstre!

J’ai vu d’autres choses – mais les églises, j’ai rarement vu quelque chose de très favorable. Ici, je me souviens, je suis allée à M... On m’a fait entrer là, on m’a reçue d’une façon tout à fait inaccoutumée (j’étais présentée par quelqu’un pour qui l’on avait beaucoup de considération et il m’a présentée comme un «grand saint»!), on m’a amenée jusqu’à l’autel central où généralement on ne laisse pas entrer les gens, et qu’est-ce que je vois là!... Un asoura (oh! pas d’une très haute portée: plutôt râkshasa) mais un de ces monstres! affreux, qui était là. Alors moi, vlan! (geste de donner un coup)... J’ai pensé qu’il allait se passer quelque chose... Mais cet être est venu, il s’est déplacé: il est venu à moi, il a essayé de m’intimider (mais tu comprends, il a vu que c’était inutile). Alors il m’a offert une alliance: «Ne dis rien, ne fais rien et je partagerai ave toi tout ce que je reçois.» – Je l’ai envoyé promener! Le chef de ce «Math»... (c’était un «Math», avec un monastère et le temple: cela représente une richesse considérable, et celui qui est à la tête du Math en a la jouissance pendant tout le temps qu’il est à la tête, et une fois qu’il est nomé, c’est pour la vie. Seulement il est obligé de nommer son successeur... et généralement la vie est raccourcie par le successeur – c’est comme cela que ça se passe. Et celui qui était là, tout le monde savait qu’il avait considérablement raccourci la vie de son prédécesseur). C’était un homme! aussi asourique que le dieu qu’il adorait: j’ai vu de pauvres bougres qui se jetaient à ses pieds (il devait leur avoir serré la vis quelque part) et ils demandaient pardon et pitié – un homme absolument sans merci. Mais il m’a reçue, il fallait voir!... Je n’ai rien dit, je n’ai pas dit qui était leur dieu, je n’ai rien montré. Mais j’ai pensé: «Voilà!...»

Une autre histoire m’est arrivée dans un village de pêcheurs, près de A, au bord de la mer. Il y a là un temple dédié à une Kâli – une terrible Kâli. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé mais elle a été enterrée: il y ajuste sa tête qui sort (!) une histoire abracadabrante. Je ne connaissais pas l’histoire, je ne connaissais rien; j’allais en voiture depuis A jusqu’à ce temple, et à mi-chemin, voilà une forme noire et, comme ça, agitée, qui se précipite vers moi et qui me demande mon aide: «Je t’offre tout-tout ce que j’ai, toute ma puissance, toute l’adoration des gens, viens m’aider pour que je devienne toute-puissante!» Naturellement je lui ai répondu comme il fallait! Après, j’ai demandé qui était cette personne; alors on m’a dit qu’il lui était arrivé un malheur quelconque et qu’elle était enterrée, il n’y avait plus que la tête dehors. Et tous les ans, il y a une fête dans ce village de pêcheurs et on y extermine des milliers de poulets (elle aime les poulets!) Des milliers de poulets. Ils les plument sur place (l’endroit est couvert de plumes), et puis naturellement les gens les mangent après lui avoir offert le sang et fait le sacrifice. Je suis arrivée un jour où cela s’était passé le matin – une litière de plumes! C’était dégoûtant. Et elle me demandait mon aide!

Mais ce qui est curieux, c’est que ce sont des êtres (des êtres du vital), mais ils ont conscience de ce qui se passe (moi, je ne connaissais rien, ni de l’histoire, ni de la personne, ni de sa tête qui sortait: elle voulait que je la tire de là), et ils sentent l’atmosphère. Ils sont conscients (ils ne peuvent pas être conscients dans les hauteurs: ils sont conscients vitalement), conscients seulement du pouvoir vital, de la force vitale que cela représente... C’est comme cet asoura de M: quand je suis entrée, c’était comme si tout d’un coup il tremblait sur son socle; alors il est sorti de son idole et il est venu me demander mon alliance. Mais c’est curieux...

(silence)

Dans les églises, je ne sais pas... Je n’y suis pas entrée souvent. Je suis entrée dans des mosquées, je suis entrée dans des temples – des temples juifs. Ça, les temples juifs, ils ont une si belle musique à Paris, oh! quelle belle musique! C’est dans un temple que j’ai eu l’une de mes premières expériences. C’était à un mariage, la musique était admirable (j’étais en haut avec ma mère, dans les galeries), et la musique, on m’a dit après que c’était de la musique de Saint-Saëns, avec orgue (c’était le second orgue de Paris, admirable!) On jouait cette musique, et puis j’étais en haut, comme ça (j’avais 14 ans) et il y avait des vitraux – des vitraux blancs, sans dessin. Il y en avait un que je regardais, lorsque, tout d’un coup, à travers ce vitrail entre (n’est-ce pas, j’avais l’impression d’être soulevée par la musique), entre un éclair, comme un coup de foudre, comme la foudre. Il est entré (j’avais les yeux ouverts), entré comme ça (Mère frappe violemment sa poitrine) et alors je... j’ai senti comme si on devenait immense et tout-puissant... Et ça a duré pendant des jours.

Naturellement, Dieu merci, ma mère était une matérialiste à tous crins si bien qu’on ne pouvait pas lui parler des choses invisibles parce qu’elle pensait que c’était une preuve de dérangement cérébral! (Il n’y avait rien qui comptait: seulement ce qu’on touche et qu’on voit.) Mais ça, c’était une grâce divine: je n’avais l’occasion de rien dire. J’ai gardé mon expérience pour moi. Mais ça a été l’un de mes premiers contacts avec une... j’ai su après que c’était une entité passée qui était rentrée en moi, à cause de l’aspiration qui venait de la musique.

Mais dans les églises, j’ai rarement eu une expérience. J’ai eu très souvent, par contre, l’expérience très douloureuse de cet effort humain pour trouver un réconfort supérieur, une compassion divine... et que cela tombait en de très mauvaises mains – très souvent.

J’ai eu l’une de mes plus terribles expériences à Venise (les cathédrales sont si belles là-bas! oh! c’est si magnifique!) Je me souviens, je faisais de la peinture dans un coin (on m’avait laissée réinstaller pour peindre) et c’était près d’un... (comment appelle-t-on ça?)... un confessional. Il y avait une pauvre femme qui était misérable, oh! avec un si affreux sens du péché, c’était si lamentable! Et elle pleurait et elle pleurait. Puis je vois le prêtre qui arrive, oh! c’était comme un monstre: un monstre de dureté. Il est entré là-dedans comme ça: c’était comme une barre de fer. Et alors cette pauvre femme sanglotait-sanglotait; et la voix de l’autre, dure, sèche... J’ai eu toutes les peines à rester tranquille.

Je ne sais pour quelle raison, mais cette expérience-là, je l’ai eue si souvent, si souvent: ou une force adverse qui se cachait là derrière et qui absorbait tout, ou bien l’homme – l’homme qui abuse du Pouvoir, sans merci.

En fait, dans le monde entier j’ai vu comme cela. Je n’ai jamais été en très bons termes avec les religions, ni en Europe, ni en Afrique, ni au Japon, ni même ici.

(silence)

Je me souviens, quand j’avais dix-huit ans, à ce moment-là il y avait en moi un besoin si intense de SAVOIR... Parce que les expériences, je les avais – j’avais eu toutes sortes d’expériences –, mais à cause du milieu dans lequel je vivais, je n’avais eu aucune occasion de recevoir une connaissance intellectuelle qui m’aurait donné le sens de tout cela: je n’avais pas pu en parler. J’avais eu des expériences et des expériences... Pendant des années, la nuit, j’avais des expériences (mais je me gardais bien d’en parler!) toutes sortes de souvenirs de vies antérieures, toutes sortes de choses, mais sans base de connaissance intellectuelle du tout. (Naturellement, l’avantage, c’est que mes expériences n’étaient pas fabriquées mentalement, c’était tout à fait spontané.) Mais j’avais en moi un tel BESOIN de savoir!... Je me souviens, j’habitais dans une maison (de ces maisons où il y a des tas d’appartements) et il y avait dans l’appartement voisin des jeunes gens qui étaient très catholiques et qui avaient une foi très – ils étaient très convaincus. Et alors je voyais ça, et je me souviens qu’un jour, comme j’étais à ma toilette (j’étais en train de me coiffer), je me disais: «Ils en ont de la chance, les gens qui sont nés dans une religion et qui croient sans discuter! Comme c’est facile! il n’y a plus qu’à croire et puis c’est très simple.» Je sentais comme cela, et alors, quand je me suis aperçue que je pensais comme cela (riant), eh bien, je me suis donné une bonne raclée: «Tu es une paresseuse!»

Savoir-savoir-SAVOIR!... N’est-ce pas, je ne savais rien-rien-rien, que les choses de la vie ordinaire: la connaissance extérieure. J’avais appris tout ce qu’il m’était donné d’apprendre: j’apprenais non seulement ce que l’on m’enseignait mais ce que l’on enseignait à mon frère, les mathématiques supérieures et tout cela! Et j’apprenais et j’apprenais et j’apprenais – et c’était RIEN. Rien ne m’expliquait rien – rien. Je ne pouvais rien comprendre! Savoir!...

Ça m’est arrivé après, quand j’ai rencontré quelqu’un qui m’a parlé de l’enseignement de Théon: deux ans après.

Quand on m’a dit que le Divin était dedans (l’enseignement de la Guîtâ, mais avec des mots que les Occidentaux peuvent comprendre), qu’il y avait la Présence intérieure, qu’on portait le Divin en soi, oh!... ça a été une révélation! N’est-ce pas, en quelques minutes, tout-tout, j’ai tout d’un coup tout compris. Tout compris. Ça a donné le contact instantanément.

(silence)

On peut tout de même se dire que quelles que soient les apparences – ces araignées vitales ou ces Kâli affreuses –, le Divin agit quand même à travers cela, aide les gens à travers cela? Ce n’est pas totalement absorbé et perdu, non?

Non, mais alors c’est différent. Ce sont ceux qui sont capables d’une expérience personnelle, alors là ils passent à travers tout. Mais pas le troupeau.

(silence)

J’ai eu des discussions (pas «discussions», mais des échanges de vue) avec des prélats. Il y avait un cardinal surtout... Je lui ai dit mon expérience, c’est-à-dire ce que je SAVAIS. Alors il m’a répondu: «Que vous le vouliez ou non, vous appartenez à l’Église, parce que ceux qui savent appartiennent à l’Église.» Et il a dit: «Vous savez ce qu’on nous enseigne quand nous devenons cardinaux.» J’ai dit: «Moi, personne ne m’a rien enseigné: c’est mon expérience.» Alors il a répété: «Que vous le vouliez ou non, vous appartenez à l’Église.» J’avais envie de lui dire des sottises. Je n’ai rien répondu.

Mais autrement, on tourne en rond, comme ça, oh! pris par la forme, bouclé par la forme!

Oui, oh! je me souviens, il y avait à Pau un brave homme de curé qui avait une église – une toute petite cathédrale – et il voulait (c’était un artiste), il voulait la faire décorer. Il a demandé à un anarchiste local de la décorer (c’était un grand artiste, cet anarchiste), et cet anarchiste connaissait le père d’André et moi; il a dit au curé: «Je vous recommande ces gens pour faire les peintures (lui, faisait de la décoration murale: il y avait des panneaux, huit panneaux je crois), je vous recommande ces gens pour faire la peinture parce que ce sont de vrais artistes.» J’ai donc travaillé à l’un des panneaux (c’était une église de Saint-Jean-de-Compostelle qui avait eu une histoire en Espagne: il était apparu dans une bataille entre les Chrétiens et les Maures et parce qu’il était apparu, les Maures avaient été vaincus. Et il était magnifique! Il était apparu dans une lumière dorée, sur un cheval blanc, presque comme le Kalki d’ici). Et il y avait tous les Maures en bas qui étaient tués – c’est moi qui ai peint les Maures tués ou qui se débattaient (parce que je ne pouvais pas grimper! il fallait monter tout en haut de l’échelle pour peindre, c’était trop difficile! alors je faisais les choses qui étaient en bas!) Mais enfin tout cela était très bien, on avait apporté les couleurs à l’église et on les avait mises en place. Puis, naturellement, le curé nous avait reçus et il nous avait offert à dîner, à l’anarchiste et à nous. Et il était si gentil! Oh! c’était vraiment un brave homme. Moi, j’étais déjà végétarienne et je ne buvais pas. Alors il m’a très gentiment grondée, il m’a dit: «Mais tout ça, c’est Notre Seigneur qui nous le donne, pourquoi ne le prenez-vous pas!»... Je l’ai trouvé charmant, il était charmant. Et quand il regardait les peintures, il tapait sur l’épaule de Morisset et il lui disait (Morisset était incroyant), il lui disait: «Vous avez beau dire (avec l’accent du Midi), vous avez beau dire, vous connaissez Notre Seigneur, autrement vous n’auriez pas pu peindre comme ça!» Enfin voilà.

Bref, j’ai connu des gens de partout, j’ai été partout, j’ai vu tout, j’ai entendu tout... C’était très curieux, très curieux. Et sans le faire exprès: comme ça, parce que le Seigneur l’a voulu.

Que d’expériences!

Voilà, mon petit, maintenant il va falloir que je m’en aille, j’ai bavardé, ça a été une crise!

Je voulais faire mon programme ce matin et je n’ai pas pu, c’est une espèce de monticule de lettres dans un fouillis! E| puis des gens – lettres après lettres, lettres après lettres, un besoin «urgent» de me voir...

Je pensais que nous ferions cette réponse à T, et j’ai bavardé.

Mais il y a beaucoup de choses là-dedans qui pourraient être prises? Je noterai ce qui est publiable... Je ferai deux choses séparées.

Oh! oui-oui, surtout. Et puis, tout cela, je ne tiens pas à ce que ce soit conservé, parce que c’est beaucoup trop personnel. Il y est question de beaucoup de gens et de beaucoup de choses, et je ne veux pas... Je te l’ai raconté à toi, c’est tout. Tu le gardes pour toi – pas même pour l’Agenda, ce n’est pas nécessaire. Si ça t’amuse, tu peux le garder, c’est tout. Je te l’ai dit comme ça – parce que j’avais envie de bavarder probablement!

Je pourrais dire beaucoup d’autres choses, qui seraient presque le contraire de tout ce que j’ai dit! Cela dépend de l’orientation. Si je me mettais à bavarder, tu sais, j’aurais l’air... je ne sais pas de quoi, quelque chose comme d’un fou, parce que je pourrais dire les choses les plus opposées avec la même sincérité et la même vérité.

Et les expériences!... J’ai eu les expériences les plus contradictoires! Il n’y a qu’une chose qui a été continue depuis mon enfance (et plus je vois, plus je vois que c’était continu, comme ça): c’était cette Présence divine, avec, EXTÉRIEUREMENT, quelqu’un qui aurait très bien dit: «Dieu? Qu’est-ce que c’est cette ânerie! Ça n’existe pas.» Voilà, tu comprends. Alors tu vois le tableau.

Ça, tu sais, c’est une grâce merveilleuse, merveilleuse, d’avoir eu cette expérience Si CONSTANTE, SI FORMIDABLE, comme ça, comme quelque chose qui résistait à tout-tout-tout: cette Présence. Avec, dans ma conscience extérieure, une négation totale de tout. Même plus tard, je disais: «Eh bien, si Dieu existe, c’est un vrai brigand! c’est un misérable, je n’en veux pas de ce Dieu-là qui nous a créés...» Tu sais, l’idée du Dieu qui est assis tranquillement dans son ciel et puis qui fait le monde, et puis qui s’amuse à le regarder, et qui vous dit après: «Comme c’est bien fait!» Oh! j’ai dit: «Ce monstre-là, je n’en veux pas.»

(Mère se lève)

Voilà, mon petit.

Je ne te vois plus au balcon, tu ne viens pas ou...

Je suis abruti, un peu.

(Riant) Tu es abruti!

Je m’excuse, j’ai un travail énorme.

Non, ce n’est pas pour te dire de venir: c’est pour savoir, si par hasard je ne te trouve pas dans la foule – si tu es là et que je ne te trouve pas.

Je pourrais venir, mais...

Non-non! ce n’est pas nécessaire.

J’en ai encore pour cinq, six jours de travail. Tu sais, c’est le livre...

Qu’est-ce que c’est?

Le livre de Pavitra. C’est un gros travail. Mais enfin je sens ta Force, parce que autrement...

Bon.

Non, quand je ne te vois pas là, j’envoie là-bas, chez toi: I pack, je bourre un peu comme ça! Je me dis exactement ça (riant): il doit être abruti!

 

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Категория: Том 2 аудио | Добавил: Irik
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