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12.01.2017, 13:52 | |
1961.02.11
Et alors, toi, comment ça va?... Ça va bien? Oui. Mais c’est toi plutôt? Ah! moi, ça va. Ça va bien, parce que ça va toujours bien! Mais... Enfin ça ne fait rien. L’ennui, c’est que cela gêne pour le travail (Mère désigne ses jambes) – pas pour le travail là-haut! ça, ça va très bien, au contraire, tout à fait bien: clair, précis... Encore hier, j’ai fait cette traduction de La Synthèse et c’était si plaisant. Si plaisant. Non, je ne peux pas me tenir debout, n’est-ce pas, et ces gens s’obstinent à vouloir me faire tenir debout... Je ne peux pas me tenir debout, c’est tout détraqué – enfin, ça ne fait rien, ça passera. J’ai fait un rêve, hier soir, te concernant, qui m’a vivement impressionné. C’est probablement absurde, mais c’était tellement réel!... J’étais appelé par toi parce que tu allais quitter ton corps: tu avais décidé de partir et tu voulais, en quelque sorte, dire au revoir. Mais c’était tellement vrai! Je suis venu donc près de toi. A un moment, tu as pris ma tête sur tes genoux: j’étais comme empli de lumière, c’était très doux. Mais en même temps, je savais que c’était comme si tu me disais au revoir, tu allais quitter ton corps – d’ailleurs j’ai pleuré dans mon rêve. Puis je suis allé m’asseoir dans un coin parce qu’il y avait d’autres gens qui probablement devaient venir te voir aussi. Je suis resté assis dans le coin, j’étais comme frappé – c’était tellement vrai, tu comprends! Puis, à ce moment-là, il y avait dans la pièce un monsieur que je ne connaissais pas, un étranger (j’ai compris que c’était un Français), un étranger vêtu de noir, semble-t-il, mais qui faisait beaucoup de bruit dans la pièce (il avait une pipe, il fumait la pipe), un homme très grossier et qui voulait faire sortir les gens qui étaient là, les disciples... Mais c’était tellement réel! Tout d’un coup je me suis réveillé, je me suis presque écrié: «Ah! c’est un rêve! c’est seulement un rêve!» Oh! c’était à ce point-là. Oui, c’était à ce point-là, et c’était dans le premier sommeil: à 11 h 40 du soir. C’était très-très vivant. Tout d’un coup je me suis réveillé et je me suis dit: ah! mais c’est un rêve!... Tu comprends, c’était vrai. C’était très impressionnant. Je suis resté longtemps éveillé après, à me demander: qu’est-ce que ça veut dire?... Tu avais une toute petite figure (tu étais toute vêtue de blanc), une toute petite figure très... (comment dirais-je?) amenuisée, comme si tu souffrais. (Mère reste longtemps silencieuse, puis répond:) Que les forces adverses absolument veulent non seulement convaincre tout le monde mais me convaincre aussi que c’est comme cela que ça va tourner, c’est évident. Pour moi, je n’ai pas encore d’indications. Parce que j’ai demandé à être prévenue, pas pour des raisons... (ça peut arriver à n’importe quel moment, je suis toujours prête; et pour le travail je ne peux rien faire d’autre que ce que je fais maintenant, je n’ai aucune mesure pratique à prendre parce que je les ai toutes prises déjà. Par conséquent, ce n’est pas pour cela), mais c’est pour... n’est-ce pas, retirer du corps, AUTANT QUE POSSIBLE, tout ce qui y a été mis – il y a une accumulation là-dedans! de force, de conscience, de pouvoir, oh!... toutes les cellules sont imprégnées, et cela prendra du temps s’il faut sortir tout ça. Je n’ai aucune indication, ni la nuit ni le jour, ni éveillée ni en transe: aucune indication. L’indication, c’est plutôt de tout ce qu’il faut clarifier, purifier: débarrasser le physique pour qu’il soit capable de garder ce qu’il a reçu avec cette expérience [du 24 janvier 61]. Si on regarde du point de vue ordinaire, je pense que c’est dangereux parce que... (riant) le docteur refuse de me dire quelles peuvent être les conséquences. Je lui ai demandé mais il ne m’a pas dit. Par conséquent ce doit être ça! Mais je n’ai vraiment aucune indication et... j’espère qu’«on» n’attendrait pas juste la dernière minute pour me dire: «Maintenant, il faut s’en aller.» Le corps ne demande pas, il ne demande même pas (il est vraiment très gentil) même pas que ses souffrances cessent: il s’en accommode. Mais c’est surtout mon contact avec les gens qui rend la chose difficile: quand je suis toute seule là-haut, tout va bien, tout va très bien. Mais quand je reste l’après-midi une heure, une heure et demie à voir des gens, après je suis exténuée. C’est cela évidemment qui rend la chose difficile... Mais le corps ne se plaint pas. Il ne se plaint pas, il est prêt. L’autre jour, quand il est monté, il était un peu comme ça, à bout – à bout de résistance, ça va jusqu’à la dernière limite; il a dit au Seigneur (il l’a dit si clairement, c’était comme la conscience des cellules qui parlait et je l’ai noté): «Si cette (je ne peux pas appeler cela une maladie) si cette condition (il n’y a pas de maladie, n’est-ce pas! c’est une condition de déséquilibre général), si cette condition est nécessaire à Ton travail, eh bien, ainsi soit-il, que ça continue. Mais si c’est un effet de ma stupidité (n’est-ce pas, c’est LE CORPS qui dit: «Si c’est parce que je ne comprends pas ou que je ne m’adapte pas, ou que je ne fais pas ce qu’il faut, ou que je ne prends pas l’attitude qui convient»), si c’est un effet de ma stupidité, vraiment alors là il prie que... il ne demande qu’à changer! qu’à savoir et à changer. Il ne tient à rien: aucune de ses habitudes, aucune de ses manières d’être, rien; en toute sincérité, il dit: «Je demande seulement la Lumière et à changer,» Et c’est comme cela. Il est comme ça. Il n’a pas, il n’a jamais dit: «Oh! je suis fatigué, j’en ai assez.» Bah! il n’est pas comme cela. Il ne tient à rien – il y a fort-fort longtemps qu’il n’a plus de désirs –, il ne tient à rien du tout ni à... à rien. Il n’est pas une seule chose pour laquelle il dise: «Ah! je ne peux pas me passer de ça», il n’y en a pas. Ça lui est égal: ça vient, il le prend; ça ne vient pas, il n’y pense pas. C’est-à-dire qu’il est vraiment de bonne composition. Mais si ça, ce n’est pas suffisant, alors il ne sait pas; il dit: «S’il y a quelque chose que je ne peux pas ou que je ne sais pas ou que je ne fais pas...», il ne demande pas mieux que de faire l’effort nécessaire! (silence) Ça a commencé par des attaques extrêmement violentes. Et alors, si ton rêve n’est pas prémonitoire, c’est un effet de «leur» formation afin d’infiltrer partout autant que possible la conviction que c’est fini... Il y a deux ans, quand j’ai été obligée de monter, cela avait été une campagne formidable sur tous les gens de l’Ashram; et tous ceux qui étaient un petit peu réceptifs, soit en rêve soit pour recevoir des suggestions, ils ont entendu, c’était clairement dit: «Le 9 décembre de cette année [58], Mère va s’en aller; c’est bien entendu, c’est sûr.» Et à moi aussi, cela m’avait dit: «Ce sera fini, tu partiras.» C’était répété à tout le monde, tout le monde: des tas de gens l’avaient entendu – on s’y attendait presque. C’est pour cela que (tu sais comme j’ai été très malade: là j’étais vraiment malade), c’est pour cela que je n’ai pas réagi et que je ne suis pas allée tout de même [à la propriété du lac où Mère devait se rendre le 9 décembre], parce que je me suis dit: si quelque chose arrive là-bas, ce sera embêtant, il vaut mieux s’abstenir. Mais là, je savais que ce n’était pas vrai, je le savais. Maintenant ce genre d’attaque a cessé, ce n’est plus comme cela. Mais il y a des êtres qui donnent des rêves (Z par exemple, tu sais qu’elle est très bonne voyante), des êtres lui ont donné des rêves en lui disant qu’ils me «mettraient en morceaux». Et elle a été très affectée, j’ai été obligée d’intervenir. Alors est-ce un rêve comme cela? Ou est-ce que... on te prévient? Je ne sais pas, je ne peux pas dire... Peut-être que si l’on demandait au docteur, il dirait que, évidemment, si cela continue comme ça... (n’est-ce pas, une chose se désorganise après l’autre), si ça continue comme cela, combien de temps le corps pourra durer? Mais ce corps, lui, il a tellement le sentiment qu’il n’existe que parce que la Puissance divine est en lui. Et tout le temps, la moindre chose, c’est son seul (il ne pense pas, ni à se reposer, ni à ne pas faire ceci, pas faire cela, ni à prendre des médecines ni quoi que ce soit), son seul remède c’est d’appeler, appeler le Suprême – il va répétant son mantra. Et dès qu’il le répète tranquillement, il est parfaitement content. Parfaitement content. (silence) J’ai vu, il y a deux nuits (pas la nuit dernière, la nuit d’avant, je crois), il y avait une formation de maladie sur tout l’Ashram, une sorte de formation adverse. Et ça voulait m’empêcher de sortir de ma chambre; alors il fallait que je me cache pour pouvoir sortir, que je sorte comme cela, en me cachant. Et c’était... oh! c’était une atmosphère terrible, si lourde, si grise – et tout le monde était malade. Et ça a de l’effet parce que beaucoup de gens qui n’ont pas l’habitude d’être malade sont malades. Ça, c’est une formation adverse. Ça, il n’y a pas de raison d’accepter que ce soit victorieux – naturellement c’est simplement ce qui ne veut pas que nous réussissions, par conséquent il n’y a pas à en tenir compte. Le malheur, c’est que si j’avais trente ans ou quarante ans, les gens ne seraient pas affectés. Le malheur c’est qu’ils pensent tout le temps à ce nombre d’années et qu’ils pensent que... Alors ça crée une mauvaise atmosphère. Ils disent toujours: «Après tout, Mère est vieille et...» N’est-ce pas, toutes les inepties ordinaires. Mais je sais très bien, et mon corps le sait aussi (pour moi-même, tout cela ce sont des niaiseries, cela n’a pas d’importance), mais par exemple, quand ce Vinoba Bhave est venu me voir (cet homme qui s’occupe des pauvres gens), il m’a regardée et il a dit: «Oh! vous allez vivre cent ans.» J’ai dit oui. Et tout cela paraissait tellement-tellement naturel. À ce moment-là, il n’y avait rien qui avait même (comment dire?) l’impression qu’il puisse y avoir un doute. Bien sûr, c’est une phrase classique, mais il l’a dite; il a dit après aux gens qu’il avait senti comme cela. Et cela paraît tout à fait naturel. Et je sais que si le corps dure jusqu’à cent ans, c’est-à-dire encore une vingtaine d’années (un peu moins), alors on sera de l’autre côté, la difficulté sera finie. Voilà. J’ai plutôt l’impression que ton rêve fait encore partie de cette attaque en masse, mais... Il y a un détail bizarre, un petit détail bizarre: quelqu’un me disait que tu allais partir parce que tu avais avalé quelque chose, et il m’a semblé comprendre que tu avais avalé «un grain de riz», et que c’était pour cela que tu devais partir! Tu avais avalé quelque chose... C’est cela qui te faisait partir. (Après un long silence) Ce serait plutôt, alors, ceux qui désapprouvent mon non-ascétisme. Ça viendrait de ce côté-là, ces forces-là. Peut-être est-ce l’attaque qui continue avec cette violence... N’est-ce pas, c’est une curieuse alternance (ce qui pourrait indiquer cela). Il y a eu, pas la nuit dernière mais la nuit d’avant, entre minuit et minuit et demie, une attaque formidable. Et quand je suis sortie de là, je suis sortie avec l’impression que quelque chose était soulevé et qu’il y avait une victoire remportée, et une amélioration dans la condition du corps. Ça arrive comme cela, et alors l’horizon s’éclaircit et il y a cette Certitude qui vient avec... (la Présence est toujours là, mais la nuit où j’ai vu cette formation, ce que j’appelle illness spell, cette vague de maladie sur 1’Ashram, Sri Aurobindo était dans son lit – presque toutes les nuits, il les passe avec moi –, mais il était dans son lit et très malade, comme je l’ai vu en 1950). Et alors, quand ça se lève, tout va bien: de nouveau c’est l’harmonie, c’est la joie, c’est la force, c’est... toute la chose qui continue, l’effort qui continue, conscient. Mais il y a une sorte d’alternance: ça vient comme cela pendant quelque temps ou quelques heures, et puis tout d’un coup encore tout se brouille et il arrive cette... c’est une fatigue, n’est-ce pas. Une fatigue, je ne peux pas dire presque insupportable parce que rien, dans la conscience, ne sent que c’est insupportable, mais qui fait que je suis comme ça (Mère tient son poing crispé, dans un grand effort de tension pour «tenir»). Par exemple, le soir à 5 h et demie quand je monte après avoir passé une heure et demie ici avec des gens, monter les marches est un labeur, et quand j’arrive là-haut je suis tendue à craquer. Au bout d’un moment, je commence à marcher (je ne m’arrête pas, je ne me repose pas), je commence imédiatement à marcher avec mon japa. Au bout d’une demi-heure, pfft! c’est levé. Mais la fatigue du corps ne s’en va pas. Elle est là – elle est contenue, elle est là. Mais il n’y a pas, d’aucune façon, l’impression que l’horizon est bloqué: n’est-ce pas, que ça va être fini, qu’il faut changer de condition, recommencer le Travail sur un autre plan et d’une autre manière; c’est-à-dire que tout ce qui a été tenté, eh bien, ce n’aura été qu’une préparation pour... pour plus tard. Je n’ai pas encore cette impression-là. Quand je l’aurai, alors je dirai: «Bon, ça va bien», mais je ne l’ai pas. Est-ce que ça me viendra?... Je ne sais pas – d’habitude (riant), je sais les choses! Par exemple, je sais d’une façon certaine quand quelqu’un va mourir, même avant qu’il n’y ait la moindre indication. Alors... Et dans le cas présent, évidemment le corps dit toujours: «Je suis prêt à tout, je ferai n’importe quoi.» Mais je ne peux pas dire qu’il ait cette... il essaye, n’est-ce pas, d’être tout à fait «pur» selon la conception spirituelle, c’est-à-dire qu’il n’a pas le sens de sa personnalité séparée: depuis combien d’années et de plus en plus il s’efforce de ne sentir que la Présence divine, la Vie divine, la Force divine, la Volonté divine, tout ça en lui; et que sans ça, il n’est rien, il n’existe pas. Dans sa conscience (la partie conscience), c’est tout à fait réalisé. Dans le subconscient et l’inconscient, évidemment-évidemment ce n’est pas réalisé, autrement... autrement, logiquement, il ne devrait pas être malade. Que tout ce désordre vienne du subconscient et de l’inconscient, c’est évident; d’autant plus que c’est venu avec des sortes d’indications (des indications qui venaient de forces hostiles, mais enfin quand on fait attention c’est toujours utile) disant: «Oui, tes centres là-haut, tout ça, cela va bien, mais...» (parce que les différentes places d’attaque ont suivi clairement l’ordre des centres). Et alors il y a quatre ou cinq jours, ou huit jours, avant que cette dernière difficulté arrive, j’ai vu des petits êtres qui sortaient du subconscient et qui disaient: «Ah! il y a longtemps que les jambes n’ont pas été malades, c’est le tour des centres d’en-bas», comme ça. Naturellement j’ai balayé, mais... Si on le prend de cette façon-là, ce pourrait être une indication que tout cela a besoin (comment dire?) d’une préparation un peu brutale pour pouvoir être dans la condition voulue. (silence) La plus violente attaque est venue imédiatement après cette expérience [du 24 janvier]. Mais cette expérience, c’était la plus merveilleuse de toutes les expériences que j’ai eues dans ma vie! pour la raison qu’elle n’a MÊME PAS été précédée d’une aspiration, même pas une aspiration du corps: c’est venu comme ça, comme la Volonté Suprême, plan! (Mère abat ses deux mains dans un geste irrésistible). Et puis il n’y avait rien, n’est-ce pas, il n’y avait rien que... LA chose, SANS AUCUNE PARTICIPATION PERSONNELLE D’AUCUNE FAÇON: ni volonté, ni aspiration, ni même la satisfaction de la chose – rien. C’était... j’étais comme ça, j’étais moi-même (moi-même là-haut6) émerveillée de l’ABSOLU de l’expérience. C’est venu comme ça, comme une chose DÉCRÉTÉE et éternelle: n’est-ce pas, comme ça (même geste irrésistible). (silence) Et c’est après cela qu’il y a eu, comme je te l’ai dit, ce détachement (qui évidemment était indispensable); et dès que le détachement s’est produit, tout a commencé à se désorganiser. C’est-à-dire que le détachement devait venir, qu’il est sûrement venu pour que... au fond, tout d’abord mon impression était: pour que je ne m’inquiète pas, que je ne me dise pas: «Tiens, maintenant ça ne va plus marcher, ça va être la fin.» Que je ne m’inquiète pas. J’ai dit: «Bon, ne t’occupes pas de ça.» (geste d’abandon, mains ouvertes vers le haut) Et les deux ou trois premiers jours c’était comme cela: j’étais absolument détachée, je regardais et je ne m’occupais pas. C’est seulement avec cette dernière attaque aux jambes... Parce que le reste me fatiguait et me rendait malade mais ne gênait pas mon travail; tandis que ça, ces jambes détraquées, ça rend les choses difficiles. On verra, mon petit, quoi?! On verra bien ce qui arrive. (Mère rit) Mais je ne me pose pas de questions à cet égard! C’est venu comme cela, ce n’est pas parce que dans ma conscience j’étais préoccupé de ton avenir physique. Simplement ce rêve est venu d’une façon tellement inattendue et avec une telle vivacité... Non-non, mais je sais! Je te dis, ce ne peut être que deux choses: ou un bon coup de pied de l’Ennemi qui veut trouver encore un soutien dans une mentalité quelque part, ou bien prémonitoire. J’espère que non! Mais le grain de riz me fait plutôt penser autrement – plutôt penser que ça vient de ce quartier-là. On verra. On verra! Il n’y a qu’à attendre. On est sûr de savoir un jour! (silence) Je sais d’une façon certaine que si je vais jusque 1964, alors là... Ce n’est pas loin, mais jusque 64, ça va être dangereux. Ce sont ces années-ci: 61, 62... 63 est mieux, 64 est décidément mieux, et à partir de 65 on serait du bon côté. Mais enfin, à dire vrai, de la minute où on sort complètement du mental ordinaire, AUCUN SIGNE EXTÉRIEUR N’EST UNE PREUVE, absolument aucun. On ne peut se baser sur rien, ni sur une belle santé, un bel équilibre, ni sur une désorganisation presque générale – ce n’est pas une preuve. Tout dépend EXCLUSIVEMENT – exclusivement – de... ce que le Seigneur a décidé. Exclusivement. Par conséquent, si on est bien tranquille, on doit bien savoir ce qu’il a décidé. Moi, quand je suis bien tranquille, imédiatement je vis dans une joie béatifique, comme ça, où les questions ne se posent pas – il n’y a pas de question! on ne demande rien! – On VIT. On vit heureux, voilà, c’est tout. Il n’y a pas: est-ce que ce sera comme ça, est-ce que ce sera comme-ci – ça paraît si enfantin! Il n’y a pas de questions, les questions ne se posent pas. On est une béatitude qui se manifeste, voilà. Tout le reste n’a aucune importance. Au fond, si on était capable... La difficulté... Quand je suis là-haut [dans la chambre], c’est très facile, très facile: ça vient et... ce qui est un petit peu plus difficile, c’est d’en sortir. N’est-ce pas, je suis là comme ça (geste d’abandon béatifique), et puis quand je sens que c’est l’heure de descendre ou que j’ai quelque chose à faire, ou qu’on vient pour le déjeuner, ou n’importe quoi, ça, c’est un petit peu difficile; autrement je suis comme ça (même geste). Mais ce qui est difficile, c’est le contact avec les gens de l’Ashram: dès que je descends et que – rien que cela, n’est-ce pas, ce trépignement sur place pour donner des fleurs aux gens... Et ils sont tellement inconsciemment égoïstes! Si je ne fais pas sur chacun la concentration habituelle, ils se demandent: «Qu’est-ce qu’il y a, qu’est-ce qui ne va pas? Est-ce que j’ai fait quelque chose?» Et... et alors ça fait une histoire. Autrement la concentration est très bien et cela ne me fatigue pas – quand mon corps n’est pas drained [épuisé], quand il ne s’aperçoit pas tout le temps qu’il existe parce qu’il a mal ici, qu’il a mal là, mal là, mal là (n’est-ce pas, ça lui fait savoir qu’il est là, qu’il existe). Mais quand ce n’est pas comme cela, quand il peut s’oublier lui-même, alors ça va bien, ce n’est rien. Et le passage de la Force maintenant se produit sans fatigue (autrefois, il y a longtemps, des années, quand c’était trop, c’était une tension), mais maintenant ce n’est plus cela, plus du tout, au contraire: le corps se sent mieux quand beaucoup de force a passé à travers lui. Sais pas, on verra. (silence) Il est évident que si on doit réaliser ce qui est à réaliser, il est absolument indispensable d’être TOTALEMENT libéré de tous liens avec la conscience mensongère ordinaire propre à la conscience corporelle la plus matérielle: la conscience de la MATIÈRE du corps du subconscient et de l’inconscient. Il faut avoir non seulemen dominé cela (parce que, dominé, il y a longtemps que c’est fait) mais être complètement indépendant: que cela n’ait plus le pouvoir de réagir, de provoquer aucune réaction. Mais nous n’en sommes pas encore là, ce n’est pas encore comme cela, et tant que ce n’est pas comme cela, on n’est pas on the safe side [du côté sûr]. Mais quand (ce que moi, je sais) quand toutes les cellules du corps, même dans leurs réactions les plus subconscientes, sauront que le Suprême seul existe, quand elles sauront cela, alors ce sera bien – mais pas avant. Elles ont encore, n’est-ce pas, ces réactions ordinaires, comme ce que je viens de te dire: «Si je me tiens debout (ce n’est pas une pensée; je suis obligée d’employer des mots mais ce n’est pas une pensée), si je me tiens debout, je vais être fatiguée; si je fais trop, je vais être fatiguée; si je fais ceci, ça aura telle conséquence; si je...», comme ça, cette espèce de petit mécanisme imbécile, automatique. Ce n’est pas encore ÇA, pas encore ça! Naturellement, il y a toute la difficulté de toutes les pensées qui viennent du dehors, des gens avec lesquels on vit – constamment. Mais maintenant la conscience est telle que, pour moi, ces choses du dehors, je les vois – je les vois d’une façon objective (Mère fait un geste comme si elle voyait les vibrations venir et s’arrêter devant ses yeux), automatiquement je vois d’une façon objective tout ce qui vient des vibrations environnantes: loin, près, en haut, en bas, tout ça. La vibration vient AVEC LA CONNAISSANCE. C’est-à-dire qu’elle n’est pas reçue et absorbée, et après on voit ce que c’est: elle vient avec la connaissance. Ça, c’est une grande aide. Ce genre de perception a beaucoup augmenté et s’est beaucoup précisé après cette expérience [du 24 janvier], beaucoup; cela a fait une grosse différence. Mais peut-être qu’il faudra beaucoup d’expériences comme cela avant que le travail soit terminé. C’est possible. Il y a quelque chose [de cette expérience du 24] qui n’est pas parti, un effet – un effet vibratoire si l’on peut dire – qui n’est pas parti. Mais la totalité de l’expérience n’est pas là tout le temps, ce n’est pas établi. J’ai eu un rappel, une nuit, mais pas pendant très longtemps; pendant un petit moment, tout d’un coup cette même Vibration, et tout mon corps n’était plus que cette Vibration. Ça n’a pas duré longtemps: un quart d’heure. Et ce n’était pas si total. (long silence) L’année dernière, cette époque-ci était très mauvaise aussi, mais c’était à cause du 29 février [premier anniversaire de la manifestation supramentale]: il y avait une opposition formidable. Mais toujours, un peu avant les moments de Darshan ou de bénédictions spéciales, il y a une recrudescence d’attaques adverses, toujours. Voilà, mon petit. Maintenant nous n’avons rien fait que bavarder! C’est l’heure de s’en aller. On ne fait rien! Il y a une question que j’aurais bien envie de te poser... Tout ce travail que tu fais sur ton corps, ce travail de conscience, comment peut-il agir sur la substance corporelle en dehors de toi? Comment est-ce valable généralement? Toujours de la même manière, parce que... parce que la vibration se répand! C’est comme ça. Par exemple, chaque fois que j’ai pu dominer quelque chose, je veux dire trouver la vraie solution pour ce qu’on appelle une «maladie» ou un mauvais fonctionnement (la VRAIE solution, c’est-à-dire pas une solution mentale, pas une connaissance ordinaire, mais la solution spirituelle: la vibration qui DÉFAIT le mal ou qui remet d’aplomb), j’ai toujours pu très facilement guérir les gens qui avaient la même chose – par l’émission de cette vibration. C’est comme cela. C’est parce que toute la substance est UNE. Tout est un, n’est-ce pas; c’est cela que nous oublions tout le temps! Nous avons toujours le sentiment de la séparation – ça, c’est le mensonge total, total. Parce que nous nous basons sur ce que nos yeux voient, sur ce que... (Mère touche ses mains, ses bras, comme si c’était un corps avec des frontières, séparé des autres corps), ça, c’est vraiment le Mensonge. Dès qu’on change un peu de conscience, on s’aperçoit que... Tu sais, c’est comme une image qu’on a plaquée sur quelque chose. Mais ce n’est pas vrai, ce n’est PAS DU TOUT VRAI. Même dans la Matière la plus matérielle, même une pierre – même dans une pierre –, dès qu’on change de conscience, toute cette séparation, toute cette division, ça disparaît tout à fait. Ce sont... (comment dire?) des modes de concentration (quelque chose comme cela, mais ce n’est pas ça), des modes vibratoires DANS LA MÊME CHOSE. (La pendule sonne) Ah! maintenant je m’en vais. (silence) Mes jambes vont mieux d’être restées tranquilles! (Mère rit) En tout cas, je n’ai pas besoin de te le dire, la meilleure attitude vis-à-vis de ce rêve, c’est: «Que Ta Volonté soit faite», et tranquille-tranquille-tranquille. Et tu peux même, toi-même, avoir la réponse, savoir d’où vient ce rêve si tu es comme ça (geste), si tu te tournes vers la Vérité suprême, que tu restes comme ça [immobile] et que tu dises: «Que Ta Volonté soit faite.» Il faut que ça aille très haut, très haut, tout en haut, tout en haut, jusqu’à ce qui est la Liberté suprême. Et alors, si tu es tout à fait silencieux, tu auras toi-même, pas une pensée ou un mot mais en tout cas une sorte de sentiment, et tu sauras. Pour moi, pour le moment, ton rêve ne correspond pas à un fait précis. Voilà, au revoir mon petit. (Mère se lève, et soudain, sur le pas de la porte, se retourne, nous regarde avec ces yeux de diamant et d’un ton que nous ne lui avions jamais entendu, comme si c’était un Ordre d’en haut:) En tout cas, une chose: n’oublie jamais que ce que nous avons à faire, nous le ferons; et que nous le ferons ensemble parce que nous avons à le faire ensemble, c’est tout – comme ceci, comme cela, de cette manière-ci, de cette manière-là (Mère penche sa main à droite et à gauche, comme pour désigner ce côté du monde et l’autre côté, la «vie» ou la «mort»), ça n’a pas d’importance. Mais ça, c’est le fait... vrai. Voilà, petit.
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