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12.10.2016, 14:09 | |
1960.11.12
Mais c’est très bien expliqué dans Savitri: toutes ces choses ont leur loi et leurs conventions (et à vrai dire, il faut vraiment un pouvoir FORMIDABLE pour changer quelque chose à leurs droits, parce qu’ils ont comme des droits, ce qu’ils appellent des «lois»)... Sri Aurobindo explique cela très bien quand Savitri suit Satyavan dans la mort et qu’elle discute avec le dieu de la Mort; il3 dit: «La Loi, et qui est-ce qui a le droit de changer la Loi?» Et alors c’est là qu’il y a cette chose merveilleuse à la fin, quand elle répond: «C’est mon Dieu qui peut changer la Loi. Et mon Dieu est un Dieu d’amour et de bonté.» Oh! comme c’est magnifique! Et à force de lui dire, l’autre a finalement cédé... À TOUT, elle répond comme cela. Mais c’est bien pour remporter une Victoire, pas pour empêcher qu’il pleuve un jour! Alors on essaie de s’entendre, n’est-ce pas, de se mettre d’accord – ce sont des histoires très compliquées (!) Parce qu’il y a tout un ensemble... N’est-ce pas, nous essayons quelque chose ici qui est contraire justement à ces lois et à tous ces usages, quelque chose qui dérange tout. Alors «on» me fait des propositions pour que j’avance comme ça (geste sinueux), sans trop déranger de choses! sans faire intervenir des forces... (Mère fait un geste comme une lance qui tape dans le tas)des forces un peu trop grandes qui dérangent trop. On peut, comme ça, louvoyer. Il y a quelque temps... Tu sais que j’ai de FORMIDABLES difficultés financières. En fait, j’ai passé toute l’affaire au Seigneur en Lui disant: «C’est Ton affaire; si Tu veux que nous continuions cette expérience, eh bien, il faut m’en donner le moyen.» Mais ça dérange certaines «gens»; et alors ils viennent avec toutes sortes de suggestions pour que je n’aie pas besoin de... de faire cette chose si radicale. Ils font toutes sortes de suggestions; il y a quelque temps ils me disaient: «Et s’il y avait un bon cyclone, ou un bon tremblement de terre, hein? gros dommage pour l’Ashram, appel au public – ça te donnerait des fonds!» (Mère rit) Oui, c’est de cet ordre-là! Et puis c’est tout à fait clair et précis: nous avons de véritables «conversations»! J’entends, je réponds. J’ai dit: «Ce n’est pas satisfaisant!» Mais ils ont gardé leur idée, ils y tiennent. Quand il y a eu ce premier orage il y a quelque temps (tu te souviens, avec ces éclairs formidables et cet être asourique que P.K. a vu et dessiné): «Tu ne veux pas, hein, détruire quelque chose comme ça?...» Je me suis fâchée. Mais c’était... ça faisait... l’influence était tellement aiguë et proche que ça faisait FROID! Pendant tout le temps de l’orage, il a fallu que je me tienne comme cela dans mon lit (Mère tient ses deux poings serrés comme dans une transe ou une concentration profonde), je ne bougeais pas – pas bougé – comme une... un morceau de pierre pendant tout le temps de l’orage. Jusqu’à ce qu’il ait consenti à s’en aller un peu plus loin. Alors j’ai bougé. Et maintenant encore, ça vient – ce sont d’autres (ce n’est pas un seul, n’est-ce pas: ils sont beaucoup): «Et qu’est-ce que tu dirais d’une bonne inondation?» (il y a un toit qui s’est écroulé l’autre jour, avec une personne en dessous, mais elle a pu s’échapper). Alors des toits qui s’écroulent, des maisons qui... «Exciter la pitié du public, hein, il faut aider l’Ashram!» J’ai dit: «Ça ne va pas!» Mais c’est peut-être cela qui est responsable de cette pluie interminable. Et ils offrent bien d’autres choses, oh! ce qu’ils en font défiler! On ferait des romans avec tout cela! Mais généralement – et ça c’était une chose que Théon m’avait dite (Théon était très calé pour les forces adverses et le fonctionnement de toutes les «résistances» à l’influence divine), il disait toujours (parce que c’était un grand batailleur – je pense bien! lui-même était une incarnationd’asoura,4 alors il savait comment s’y prendre!), mais il me disait: «On fait une TOUTE PETITEconcession, on a une toute petite défaite, et ça vous donne droit à une très grande victoire.» C’est un très bon truc. Et j’ai remarqué que pratiquement, dans les choses, les toutes petites choses de la vie de chaque jour, c’est vrai, si on cède sur un point (on voit, n’est-ce pas, ce qui devrait être, mais si, pour une chose très secondaire et sans importance, on cède), imédiatement cela vous donne le pouvoir d’imposer une volonté pour une chose beaucoup plus importante. J’avais dit cela a Sri Aurobindo et il disait que c’était vrai, que c’était comme cela. Mais c’est vrai dans le monde tel qu’il est maintenant – mais nous ne voulons pas cela: nous voulons que ça change, vraiment que ça change. Il l’a écrit dans une lettre, je crois, il a parlé du système de compensations: les gens qui prennent une maladie sur eux, par exemple, pour avoir le pouvoir de guérir; ou bien l’histoire symbolique du Christ qui meurt sur la croix pour libérer les hommes. Et Sri Aurobindo disait: «Ça, c’est bien à une certaine époque, mais nous devons dépasser cela.» Il m’a dit (c’est même l’une des premières choses qu’il m’ait dites): «Nous ne sommes plus au temps du Christ où il faut mourir pour remporter une victoire.» Ça, je m’en suis toujours souvenue. Mais les choses TIRENT en arrière – ouf! comme elles tirent!... «La Loi, la Loi, c’est la Loi. Vous ne comprenez donc pas, c’est la LOI, vous ne pouvez pas changer la Loi.» – Mais je VIENS POUR changer la Loi. – Alors payez le prix. (silence) Qu’est-ce qui peut les faire céder? L’Amour divin. C’est la seule chose. C’est ce que Sri Aurobindo a expliqué dans Savitri. C’est seulement quand l’Amour divin se manifestera dans toute sa pureté, alors tout cédera, tout cédera – ce sera fait. C’est la seule chose qui puisse faire cela. Ce sera la grande Victoire. (silence) Et on sent cela (en tout petit, n’est-ce pas, dans de tout petits détails) que, de toutes les forces, c’est la plus forte. C’est la seule qui ait du pouvoir sur les volontés adverses. Seulement... pour changer le monde, il faut que ça se manifeste ici dans sa plénitude. Il faut qu’on en soit capable... Sri Aurobindo avait écrit aussi: «Si l’Amour divin se manifestait dans toute sa plénitude, dans sa totalité maintenant, il n’y aurait pas d’organisme matériel qui n’éclaterait.» Alors il faut apprendre à élargir-élargir-élargir non seulement la conscience intérieure (ça, c’est relativement facile – enfin c’est faisable) mais même cet agglomérat de cellules. Et j’en ai eu l’expérience: il faut être capable d’élargir, élargir cette sorte de cristallisation, si on veut être capable de tenir cette Force-là. Je sais. Deux-trois fois j’ai eu l’impression là-haut [dans la chambre], que le corps allait éclater. N’est-ce pas, j’étais sur le point de dire: «Eclatons et finissons.» Mais toujours Sri Aurobindo est intervenu; les trois fois il est intervenu d’une façon tout à fait tangible, vivante, concrète et... il a arrangé tout pour que je sois obligée d’attendre. Et alors il se passe des semaines, quelquefois des mois entre une chose et une autre, pour que l’élasticité vienne dans ces cellules imbéciles. On perd du temps, beaucoup de temps. On est... oh! on est dur! (Mère frappe son corps) dur comme de la pierre. Mais trois fois, j’ai vraiment eu l’impression que j’étais sur le point de... que ça se disloque. La première fois, il était venu une fièvre, une telle fièvre... comme si j’avais, je ne sais pas, au moins 46 ou 47 de fièvre – c’était bouillonnant de la tête jusqu’en bas: tout était devenu d’un rouge doré, comme ça, et puis... c’était fini. C’est ce jour-là que, tout d’un coup – tout d’un coup – j’ai été... N’est-ce pas, je me suis dit: «Bon, eh bien, il faut être paisible, on verra bien ce qui arrivera», alors j’ai amené la Paix et, immédiatement, j’ai pu passer dans une seconde d’inconscience – et je me suis réveillée dans le physique subtil, dans la maison de Sri Aurobindo.5 Il était là. Et alors j’ai passé un bon moment avec lui, à expliquer. Mais ça, c’est une expérience (il y a beaucoup de mois, plus d’un an), une expérience décisive. Alors j’ai expliqué à Sri Aurobindo, et il m’a répondu (pas avec des mots: avec son expression, mais c’était très clair): «Patience, patience – patience, ça viendra.» Et quelques jours après cette expérience, je suis tombée «comme par hasard» sur quelque chose qu’il avait écrit et où il expliquait justement que nous sommes beaucoup trop rigides, agglomérés, crispés, pour que ces choses-là puissent se manifester – il faut s’élargir, se détendre, devenir plastique. Mais ça demande du temps. On ne voit pas vraiment ce qu’on peut faire... Enfin, c’est toi qui «fais», bien sur, mais on ne voit pas vraiment ce qu’on peut faire pour changer les choses. Moi non plus! J’ai tout à fait l’impression que je ne «fais» rien du tout, moi, rien du tout. La seule chose que je fais, c’est ça (geste d’offrande vers le haut), tout le temps ça – n’est-ce pas, ça, de partout: dans les pensées, dans les sentiments, dans les sensations, dans les cellules du corps, tout le temps: «A Toi, à Toi, à Toi. C’est Toi, c’est Toi, c’est Toi...» C’est tout. Et puis rien d’autre. C’est-à-dire le consentement de plus en plus total, de plus en plus intégral et de plus en plus comme ça (Mère fait le geste de se laisser porter). C’est là qu’on a l’impression qu’il faut êtreTOUT A FAIT comme un enfant. Si on commence à penser: «Oh! je voudrais être comme cela, oh! il faudrait être comme cela», on perd son temps.
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