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02.12.2017, 18:55 | |
1962.01.21
(La conversation suivante a eu pour point de départ un aphorisme de Sri Aurobindo:) 70 – Examine-toi sans pitié, alors tu seras plus charitable et plus compatissant pour les autres. Très bien! (Mère rit) C'est très bien. C'est très bon pour tout le monde, non? Surtout pour les gens qui se croient très supérieurs. Mais vraiment, ça correspond à quelque chose de très profond. Justement, c'est une expérience que j'ai depuis quelques jours et qui est comme arrivée à son apogée depuis avant-hier, et une vision d'ensemble au point de vue terrestre, ce matin. C'est presque comme un renversement d'attitude. Au fond, les hommes se sont toujours pris pour des espèces de victimes harcelées par les forces adverses, et ceux qui sont courageux se battent, les autres se lamentent. Mais de plus en plus, il y a eu une vision très concrète du rôle que jouent les forces adverses dans la création, de leur nécessité pour ainsi dire absolue pour qu'il puisse y avoir le progrès nécessaire afin que la création redevienne son Origine. Et la vision si claire qu'au lieu de demander la conversion ou l’abolition des forces adverses, c'est sa propre transformation qu'il faut accomplir, pour laquelle il faut prier, qu'il faut effectuer. Ceci, au point de vue terrestre, je ne me place pas au point de vue individuel; le point de vue individuel, on le sait, n'est-ce pas, c'est au point de vue terrestre. Et c'était la vision, tout d'un coup, de toutes les erreurs, de toutes les incompréhensions, de toutes les ignorances, de toutes les obscurités, et, pire que cela, de toutes les mauvaises volontés de la conscience terrestre, qui se sont senties responsables de la prolongation de ces êtres et de ces forces adverses, et qui les ont offertes dans une grande – plus qu'aspiration, une sorte d'holocauste, pour que les forces adverses puissent disparaître, qu'elles n'aient plus de raison d'être, qu'elles ne soient plus là comme des indicatrices de tout ce qui doit changer. Elles étaient rendues obligatoires par toutes ces choses qui étaient des négations de la vie divine; et ce mouvement de la conscience terrestre au Suprême, l’offrande de toutes ces choses avec une intensité extraordinaire, était comme un rachat pour que ces forces adverses puissent disparaître. C'était une expérience très intense. Elle s'est cristallisée autour d'un petit noyau d'expériences trop personnelles pour que ça puisse se raconter (je veux dire que je ne suis pas seule en cause), mais qui se traduisait comme cela: «Prends toutes les fautes que j'ai commises, prends toutes ces fautes, accepte-les, efface-les, pour que ces forces puissent disparaître.» Cet aphorisme, c'est ça à l’autre bout, c'est ça dans son essence. Tant qu'une conscience humaine aura en elle la possibilité de sentir, d'agir ou de penser ou d'être contrairement au grand Devenir divin, il est impossible d'en blâmer un autre; il est impossible de blâmer les forces adverses, qui sont maintenues dans la création comme le moyen de vous faire voir et sentir tout le chemin qui est à faire. (silence) C'était comme un souvenir – un souvenir qui est éternellement présent – de cette Conscience d'Amour suprême que le Seigneur a émanée sur la terre, DANS la terre – dans la terre – pour la ramener à Lui, et c'était vraiment la descente dans la Négation divine la plus totale de l’essence même de la Nature divine, par conséquent l’abandon de l’état divin pour accepter l’obscurité terrestre, afin de ramener la Terre à l’état divin. Et à moins que ce ne soit Ça, cet Amour suprême, qui devienne tout puissamment conscient ici, sur la Terre, le retour ne pourra jamais être définitif. C'était après la vision du grand Devenir divin; je me disais: «Puisque ce monde est progressif, puisqu'il devient de plus en plus le Divin, est-ce qu'il n'y aura pas toujours ce sentiment, si profondément douloureux, de la chose qui n'est pas divine, de l’état qui n'est pas divin par rapport à celui qui doit devenir; est-ce qu'il n'y aura pas toujours ce que l’on appelle des «forces adverses», c'est-à-dire quelque chose qui ne suit pas harmonieusement le mouvement?» Alors la réponse est venue, la vision de Ça est venue: «Non, c'est justement le moment de cette Possibilité-là qui est proche, le moment de la manifestation de cette essence d'Amour parfait qui peut transformer cette inconscience, cette ignorance et cette mauvaise volonté qui en est la conséquence, en une progression lumineuse, joyeuse, toute progressive, toute comprehensive, assoiffée de perfection.» C'était très concret. Et ça correspond à un état où l’on s'identifie si PARFAITEMENT à tout ce qui est, qu'on devient tout ce qui est anti-divin, d'une façon concrète, et qu'on peut l’offrir – qu'on peut l’offrir, qu'on peut vraiment le transformer par l’offrande. Au fond, dans les hommes, c'est cette espèce de volonté de pureté, de Bien (qui se traduit dans la mentalité ordinaire par le besoin d'être vertueux) qui est le GRAND OBSTACLE au vrai don de soi. C'est à l’origine du Mensonge, et surtout c'est la source même de l’hypocrisie: le refus d'accepter de prendre sur soi sa part du fardeau des difficultés. Et c'est cela que Sri Aurobindo a touché dans cet aphorisme, tout droit, d'une façon très simple. N'essayez pas d'être vertueux. Voyez à quel point vous êtes uni, UN avec tout ce qui est anti-divin, prenez votre part du fardeau, acceptez d'être, vous-même, impur et mensonger, et, comme cela, vous pourrez prendre l’Ombre et la donner. Et dans la mesure où vous êtes capable de la prendre et de la donner, alors les choses changeront. N'essayez pas d'être parmi les purs. Acceptez d'être avec ceux qui sont dans l’obscurité, et dans un amour total, donnez tout ça. (silence) De la minute où ça a été vu et FAIT, le plein Pouvoir est revenu – le grand Pouvoir créateur. (silence) Probablement, l’expérience ne pouvait venir que parce que c'était le moment où le don de tout cela était venu. Ce n'est pas pour le perpétuer: c'est pour le donner. C'est parce que le moment est venu de manifester ce Pouvoir, qui est un Pouvoir d'amour – D'AMOUR, pas seulement d'identité –, d'Amour, d'Amour parfait, qui seul peut donner. C'était ce matin, dans une grande simplicité, mais en même temps quelque chose de si vaste et de si tout-puissant, comme si la Mère universelle se tournait vers le Seigneur et lui disait: «Enfin! nous sommes prêts.» Voilà mon expérience de ce matin. Tu veux dire qu'il y a eu un progrès sur la Terre? Oui, sur la Terre, c'est de l’histoire de la Terre qu'il s'agit. Maintenant? Tu sais, les «maintenant» dans ces domaines-là s'étendent sur de nombreuses années, parfois. Je ne veux pas dire que ce sera instantané, ça, je ne sais pas – je ne sais pas, je le saurai probablement dans quelques jours. Tu sais quand on entrebâille une porte et qu'on voit un tout petit peu comme ça... Quand j'ai dit à Sri Aurobindo que l’Inde était libre, c'était la même expérience, c'était la Mère universelle (à ce qu'on pourrait appeler son point de départ), c'était là, c'était Elle qui parlait – ça a mis trente-cinq ans à venir sur la Terre. Quand j'ai eu l’expérience que le moment était venu pour que la Force supramentale descende sur la Terre, j'ai suivi dans ma conscience, j'ai suivi les effets (les conséquences et les effets), mais pour une vision ordinaire c'était quelque chose d'équivalent à ce qui s'est passé pour la libération de l’Inde: n'est-ce pas, c'est possible que ce soit descendu, mais, pour le moment, les effets en sont plus que voilés. La première manifestation un peu tangible, c'était cette vision du bateau; alors c'est devenu plus concret, ça a changé quelque chose radicalement dans l’attitude. Maintenant, c'est une autre étape. (silence) Tous ces temps derniers étaient très difficiles. Je vois bien que c'était pour préparer – c'était pour préparer ça. C'était pour renverser cette attitude – une attitude de lutte pour surmonter, vaincre, abolir tout ce qui est anti-divin dans la création. C'était probablement (pas probablement, c'était certainement) nécessaire depuis le commencement jusqu'à maintenant pour préparer les choses. Mais maintenant, c'est une sorte de renversement subit, comme si le moment était venu, justement pour le Principe créateur, la Force, la Force créatrice de l’univers, de dire: «Ça aussi, c'est Moi. Parce qu'il est temps que ça disparaisse. Ça aussi, c'est Moi; Je ne le traite plus comme un ennemi que Je dois rejeter, Je l’accepte comme Moi, pour qu'il devienne vraiment Moi.» Et c'était précédé par une sorte d'angoisse: «Est-ce que, toujours, il y aura comme ça quelque chose qui, par rapport à ce qui doit devenir, paraîtra toujours anti-divin?» – Non, après une longue préparation, ça devient capable de se sentir divin. Et par conséquent de l’être. Si on regarde extérieurement, dans le fait matériel maintenant, il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que cette manifestation nouvelle devienne une chose accomplie. Mais c'est probablement le germe de la Chose qui est là maintenant, comme l’était le germe de la liberté de l’Inde, qui s'est épanoui plus tard.
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