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27.03.2017, 17:12 | |
1961.04.07
Je continue ma lecture du Véda. J’ai été obligée d’arrêter pendant des jours parce que j’avais attrapé un mal de gorge qui m’empêchait. Mais enfin, j’ai recommencé. Au fond, cela a été écrit par des gens qui se souvenaient d’une expérience radicale qui a dû avoir lieu sur la terre à un moment donné comme un exemple de ce qui serait (cela arrive toujours dans le yoga: on a une première expérience radicale qui est comme l’annonciatrice de la réalisation future que l’on doit avoir). Alors, dans le yoga terrestre – dans le yoga de la terre, de la planète terre –, il y a eu un moment où c’est venu; ce qu’ils appellent les forefathers [les pères des hommes], ont dû, par leur effort et leur yoga, faire au moins une image de la réalisation supramentale. Et ceux qui ont écrit les Védas, qui ont composé tous ces hymnes, se souvenaient de cela, ou avaient eu la tradition de cette expérience. Et alors, mon petit, cela m’a fait le même effet que quand j’ai lu le «Yoga de la Perfection de Soi» dans «La Synthèse» (Mère souffle): il y a un tel abîme entre ce que nous sommes, ce qu’est la vie sur la terre maintenant, ce qu’est la conscience humaine, même chez ceux qui sont les plus éclairés, les plus avancés, et puis ÇA!... Je ne sais pas si c’est parce que j’ai été comme cela, si violemment attaquée par toutes ces énergies malveillantes – abrutie comme à coups de marteau, n’est-ce pas –, mais en tout cas, j’ai eu un sentiment très aigu de l’immensité FORMIDABLE de ce qu’il fallait faire... pour que ÇA puisse se réaliser. (silence) Quand les difficultés extérieures se calment, quand le corps devient passif et tranquille, qu’il n’est pas tout le temps à tirer l’attention; quand on peut vivre dans cette conscience supramentale, cela ne vous paraît pas si difficile: on a l’impression que c’est tellement – c’est d’une essence tellement victorieuse que ça viendra à bout de toutes les difficultés. Mais pour cela, il faut pouvoir rester un peu là-haut, n’est-ce pas, dans cette conscience-là; pas être tout le temps, tout le temps tirée en bas et avoir à lutter à chaque minute pour DURER – et durer de toutes les façons: non seulement personnellement, mais collectivement. C’est une lutte de chaque-chaque minute, pour durer. Et combien de temps il faut durer pour que ce soit fait? Alors la période est difficile. Et il y a eu un fléchissement dans la santé de tout le monde. Un tas de gens sont malades. Les maladies sont plus sérieuses. Il y a eu un fléchissement. Naturellement, il faut toujours regarder cela avec le sourire (je le regarde avec le sourire aussi), mais je dois dire que... le côté enthousiaste (n’est-ce pas, cette ardeur, cet enthousiasme), ça a reçu une tape. C’est-à-dire qu’il n’y a pas lieu de s’exciter, nous avons le temps. Il faut, il faut marcher. Il faut continuer à marcher: un pas après l’autre, un pas après l’autre, un pas après l’autre, sans se demander combien de pas il faudra, et sans se rappeler combien de pas on a faits. Au fond, c’est cela qu’il faut faire: réduire à la minute la minute, au moment le moment; vivre toujours dans le présent, comme ça, avec obstination (Mère pose un poing sur le bras du fauteuil, puis un autre, et ainsi de suite, comme dans une avance obstinée, lente, imperturbable). Pourtant, Sri Aurobindo semblait dire que quand le Supramental descendrait, quand même les choses seraient plus faciles. Mais oui. Mais oui, c’est évident! Mais plus faciles, mon petit, plus faciles que quoi? Je ne sais pas. Il avait l’air de dire que le travail serait plus facile. Justement j’ai relu des textes de Lui... Qu’est-ce qui s’est passé pour que ce ne soit pas comme cela? Partout II avait l’air de dire: les choses vont être plus faciles, le travail sera plus facile... Mais oui. Mais «plus facile» est seulement un comparatif. Tu veux dire que c’est quand même plus facile qu’avant? Ah! oui. C’est-à-dire que ça se fait, tandis qu’avant, ça ne se faisait pas. Ah!... (silence) Ce n’est pas «miraculeux», n’est-ce pas. Le mental humain... au fond, il a toujours besoin de quelque chose de miraculeux pour être satisfait. Il a associé, dans sa perception, le miraculeux et le Divin. Je le sais parce que je suis née comme ça. Quand j’étais toute petite, j’étais comme ça. Et c’est parce que la vie m’a donnée des démentis – n’est-ce pas, d’une brutalité extrême – qu’il est venu en moi cette espèce de... justement d’attitude raisonnable et rassise. Tu sais (je t’ai dit cela l’autre jour), c’est dégoûtant! (Mère rit) toute la jolie fleur est partie... Et ça, ce sont les coups de la vie. Parce que je suis née avec cette impression que... oui, que la Vérité c’est quelque chose de miraculeux qui n’a qu’à paraître pour s’imposer. Ce serait comme ça, sans forces adverses. L’univers serait comme ça s’il n’y avait pas eu cette déviation des forces adverses – je vois cela très clairement. C’est la perversion, la perversion froidement cruelle de mauvaises volontés absolues, qui empêche que ce soit comme cela. Et ça, c’est l’intervention... – ils disent tous «l’accident», mais cela nous fait une belle jambe que ce soit un «accident»! – Le fait est là. C’est la force adverse qui empêche que quand le Divin paraît, Il s’épanouisse miraculeusement. Parce que je sais que partout où la Matière – si peu que ce soit – n’est pas sous l’influence de cette volonté adverse, imédiatement elle s’épanouit. Et dans le cœur humain, dans la conscience humaine, dans la pensée humaine, tout ce qui est un peu à l’abri de cette influence adverse (à l’abri à cause du psychique, de la Présence divine), ça s’épanouit, ça devient... ça devient tout de suite merveilleux, sans obstacle – tous les obstacles viennent de là. Alors c’est très joli de nous dire «un accident», mais... Il est évident que c’est réparable, cela ne fait pas l’ombre d’un doute, mais à quel prix? Et combien ça complique la chose. Il nous est dit que ce sera encore beaucoup plus beau après – j’en suis convaincue, absolument; je ne doute pas une minute, mais... Tel qu’il est, n’est-ce pas, le monde... On ne peut pas dire, même quand on est dans les hauteurs les plus parfaites, c’est douloureux. C’est douloureux. Il m’est arrivé, tu sais, dans des expériences suprêmes d’union parfaite dans un Amour merveilleux, de tourner vers le monde – tourner la conscience simplement, une seconde, vers le monde tel qu’il est et... (je me souviens, n’est-ce pas, c’était l’aspiration que TOUT participe) et, réellement, dans cet état d’extase, il y a eu des... des larmes d’une douleur brûlante. C’est venu comme cela. Théoriquement, ça ne devrait pas exister; mais en fait, c’est comme cela. Il y a quelque chose qui ne pourra être parfait que quand cet accident sera aboli. Voilà, ça, c’est mon expérience. Et pour aller à cette expérience, j’avais passé par l’état de la plus suprême indifférence où toute la manifestation terrestre est une illusion; j’avais passé par là: c’était au-delà de cela que j’avais mon expérience. Et c’est au-delà que... au moment de la suprême extase, c’était comme des larmes de feu, de douleur. (silence) Quelquefois il vient en moi: est-ce que c’est... – cette idée d’une tapasya extraordinaire qui pourrait obtenir ça? Mais... (silence) Mais vraiment, un courage indomptable et une endurance à toute épreuve: ça, c’est une base indispensable – et depuis les cellules du corps les plus matérielles jusqu’à la conscience la plus haute, depuis en haut jusque tout en bas, en-tiè-re-ment. Autrement on n’est pas bon à grand-chose. Et vraiment je suis dans les conditions les plus favorables parce que mon corps dit oui; il dit oui-oui-oui – il ne s’est pas plaint (peut-être était-ce cela le sens de toute cette maladie et de ces difficultés), il ne s’est pas plaint un seul jour. L’autre nuit encore (pas la nuit dernière, celle d’avant), j’ai été réveillée à minuit (pas «réveillée», mais enfin je suis sortie de ma transe à minuit) avec de ces piqûres brûlantes du dedans au dehors, depuis le bout des pieds jusque là, partout, dans le dos... ça a duré quatre heures, sans arrêter. Eh bien, mon corps ne s’est pas plaint une fois. Il n’a pas demandé une fois que ça cesse; il est resté comme ça, tranquille, à dire: «Que Ta Volonté soit faite.» Et non seulement à le dire mais à le SENTIR, comme ça, tranquille – quatre heures de petites tortures. Il n’a rien dit. Que moi, je ne dise rien, c’est élémentaire! Mais lui n’a rien dit, il ne s’est même pas agité, il n’y a même pas eu cela, n’est-ce pas, la sensation: «Quand est-ce que ça va être fini?» – Rien. Resté tranquille-tranquille. J’étais comme une statue dans mon lit, et les piqûres du haut en bas. Alors vraiment je ne peux pas me plaindre! l’instrument qu’on m’a donné est vraiment de bonne qualité. Une bonne volonté à toute épreuve. Mais que ce soit diabolique, ça ne fait pas l’ombre d’un doute. (silence) Voilà, mon petit. Et vraiment, si tu veux me faire plaisir (je crois que tu veux me faire plaisir!) si tu veux me faire plaisir, concentre-toi sur le livre sur Sri Aurobindo – tu n’imagines pas comme ça m’intéresse! Et comme je vois (pas comme cela, avec cette petite conscience-là), je vois dans l’avenir: c’est une chose qui a une grande importance, une grande importance, et qui aura une grande action. Par conséquent, je veux te déblayer la route maintenant pour qu’on puisse avoir le temps. J’aurais sûrement besoin de tranquillité mentale pour préparer le travail. Oui, mais oui. Finir cette lecture et rester tranquille à digérer. Parce que si je ne peux pas recevoir l’inspiration, je ne me sens pas capable du tout d’écrire, pas du tout. Mais non! mais tu la recevras. Oui, ça, j’ai la foi. Pour moi, ça ne fait pas l’ombre d’un doute. C’est une certitude. C’est une certitude. Je n’ai jamais rien écrit ni dit à X, mais par le contact mental je lui ai dit je ne sais combien de fois: «Satprem a une oeuvre à accomplir INFINIMENT plus importante que de répéter des mantras. Que ce soit une aide pour se discipliner lui-même, c’est très bien, mais ce n’est rien d’autre que cela; ce n’est pas en répétant des mantras qu’il fera son œuvre, il a quelque chose à faire et il le fera.» Je le lui ai martelé dans la tête (Mère rit). Voilà, petit, à demain.
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