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07.04.2016, 14:44 | |
1958.11.22
Ça peut à peine se dire, ce sont des impressions successives. Je sais que quand tu as pensé à partir avec le Swami,1 j’ai vu que c’était la porte qui s’ouvrait, que c’était la vérité, que c’était LA. Tout de suite, j’ai eu l’impression que ça te mettait en contact direct avec ce... cette sorte de Fatalité qu’ici on appelle karma et qui est la conséquence... oui, quelque chose qui est à épuiser, qui reste sur la conscience. Les choses se passent comme cela: c’est l’être psychique qui passe d’une vie à l’autre, mais il y a des cas où le psychique s’est incarné avec l’intention de... work out (élaborer)... de faire une certaine expérience, d’apprendre une certaine chose, de développer une certaine chose à travers une certaine expérience. Et alors, dans cette vie-là, dans la vie où cette expérience devait être faite, il peut arriver (les raisons peuvent être multiples) que l’âme ne soit pas juste tombée à l’endroit où il fallait, ou il peut y avoir un déplacement quelconque, un ensemble de circonstances contraires – quelquefois ça arrive – et alors l’incarnation avorte tout à fait et l’âme s’en va. Mais dans d’autres cas, simplement l’âme est mise dans l’impossibilité de faire exactement ce qu’elle veut et elle se trouve entraînée dans des circonstances... fâcheuses. Non seulement fâcheuses à un point de vue objectif, mais fâcheuses pour son propre développement, et alors ça lui crée une nécessité de recommencer l’expérience dans des conditions beaucoup plus difficiles. Et si – ça arrive, n’est-ce pas – si à la seconde tentative il y a aussi un avortement, si les conditions rendent encore plus difficile ce qu’elle veut faire; par exemple si on se trouve dans un corps avec une volonté pas suffisante, ou une déformation dans la pensée, ou un égoïsme trop... trop coriace, et que ça se termine par un suicide, ça, c’est effroyable. J’ai vu cela bien des fois, ça crée un karma effroyable, qui peut se répéter pendant des vies et des vies avant que l’âme puisse vaincre et arriver à faire ce qu’elle veut faire. Et chaque fois, les conditions deviennent plus difficiles, chaque fois cela demande justement un effort encore plus considérable. Et les gens qui savent cela disent: «On ne peut pas en sortir!» N’est-ce pas, cette espèce de désir d’échapper qui vous fait faire encore une bêtise plus grande,2 ce qui fait que cela accumule encore la difficulté. Il y a des moments – des moments et des circonstances – où il n’y a personne là pour vous aider, et alors ça fait des choses si... affreuses, ça fait des circonstances si abominables... Mais l’âme, si elle a eu seulement UN appel, UN contact avec la Grâce, cela fait que dans la vie suivante, une fois, on se trouve dans les conditions où TOUT peut être balayé d’un coup. Et en ce moment-ci, sur la terre, j’ai eu, j’ai rencontré tu ne peux pas t’imaginer le nombre de gens, c’est-à-dire le nombre d’âmes, qui avaient tendu vers cette possibilité, d’une façon si intense – et ils se sont tous trouvés sur mon chemin. Et là, quelquefois il faut un grand courage, quelquefois il faut une grande endurance, quelquefois il suffit d’un... d’un amour véritable, quelquefois, oh! s’il y a la foi, une chose, une petite chose suffit, et... tout peut être balayé. Je l’ai fait souvent; il y a des fois où j’ai échoué. Mais le plus souvent j’ai pu l’enlever. Mais alors, ce qu’il faut, c’est ça: un grand courage stoïque, ou une capacité d’endurer et de DURER. La résistance (surtout dans les cas de suicide antérieur) la résistance à la tentation de recommencer cette ineptie: ça fait une formation terrible. Ou cette habitude qui se traduit par une fuite quand la souffrance vient: fuir, fuir, au lieu... d’absorber la difficulté, de tenir le coup. Mais juste ça: la foi en la Grâce, ou la perception de la Grâce, ou l’intensité de l’appel, ou alors naturellement la réponse – la réponse, la chose qui s’ouvre, qui se brise, la réponse à cet amour merveilleux de la Grâce. C’est difficile sans une forte volonté, et surtout, surtout la capacité de résister à la tentation qui a été la tentation funeste à travers toutes les vies – parce que son pouvoir s’accumule. Chaque défaite lui redonne de la force. Une toute petite victoire peut la dissoudre. Oh! le plus terrible de tout, c’est quand on n’a pas la force, le courage, quelque chose d’indomptable. Combien de. fois ils viennent dire: «Je veux mourir, je veux m’enfuir, je veux mourir» – Je dis: «Mais mourez donc à vous-même! On ne vous demande pas de laisser survivre votre ego! Mourez à vous-même puisque vous voulez mourir! Ayez ce courage-là, le vrai courage, de mourir à votre égoïsme.» Mais parce que c’est un karma, il faut, il faut FAIRE quelque chose soi-même. Le karma, c’est la construction de l’ego; il FAUT que l’ego fasse quelque chose, on ne peut pas tout faire pour lui. C’est ça, c’est ÇA la chose: le karma est le résultat des actions de l’ego, et c’est quand l’ego abdique que le karma se dissout. On peut l’aider, on peut le secourir, on peut lui donner la force, on peut lui passer le courage, mais il faut qu’il l’utilise. (silence) Alors, ce que j’ai vu pour toi, c’était cela, que la cristallisation de ce karma, cela s’est produit dans une vie dans l’Inde où tu as été mis en présence de la possibilité de la libération et... Les détails je ne les connais pas; les faits matériels je ne les connais pas du tout; jusqu’à présent je ne sais rien, je n’ai eu qu’une vision. Je t’ai vu là, comme je t’ai dit, plus grand que maintenant, dans un corps indien, mais un corps indien du Nord parce qu’il n’était pas foncé, il était clair, mais avec une DURETÉ dans l’être, la dureté d’une sorte de désespoir mélangé à une révolte, une incompréhension, et à un ego qui résiste. Voilà tout ce que je sais. L’image, c’était toi, acculé à une porte de bronze: ACCULÉ. Je ne voyais pas ce qui était la cause de cela. Et comme je te l’ai dit, quelque chose est venu et je n’ai pas pu suivre. L’autre indication, c’était ce que je t’ai dit l’autre jour: quand tu as pensé à partir rejoindre le Swami, tout de suite j’ai vu comme un jet de lumière: ah! la route qui s’ouvre! Alors j’ai dit: c’est bon. Et pendant que tu étais parti pour Ceylan, je te suivais de jour en jour. Tu appelais beaucoup plus que la seconde fois, quand tu étais dans l’Himalaya; et avec les difficultés physiques que tu subissais, j’étais très près, très proche de toi – je sentais tout le temps ce qui se passait. Et puis j’ai vu une GRANDE lumière, comme une gloire, quand tu étais à Râmeswaram. Une grande lumière. Et cette lumière était sur toi très fort, imposante, quand tu es revenu ici. Mais en même temps j’ai eu le sentiment qu’elle avait besoin d’être protégée – entourée, protégée –, qu’elle n’était pas encore établie. Etablie, prête à résister à toutes les choses qui décomposent une expérience. J’aurais voulu te mettre séparé, comme sous une cloche de cristal, et puis j’ai vu que ça aurait des inconvénients avec les avantages. Et j’ai aimé la façon dont tu voulais lutter contre un accueil incompréhensif à cause de ta robe, ton crâne rasé. Naturellement c’était un chemin beaucoup plus court que l’autre, mais il était plus difficile. Et alors j’avais de plus en plus l’impression que si ce que je voyais, comme je le voyais, pouvait se réaliser... Je voyais deux choses: un voyage – pas du tout un pèlerinage comme ils l’entendent – un voyage vers une solitude dans des conditions difficiles, et un séjour de solitude très abrupte, en face de la montagne, dans des conditions physiques difficiles. Le contact de cette majesté de la Nature a une grande influence à un moment donné sur l’ego: ça a le pouvoir de le dissoudre. Mais toutes ces histoires, n’est-ce pas, toutes ces organisations de pèlerinage et tout ça... il y a tout le côté tout petit de la vie humaine, qui gâte tout... Oui, c’était odieux, ce voyage... ...qui gâte tout. L’autre chose, c’était l’initiation tantrique. Mais je voulais une initiation dans des conditions au moins aussi favorables que celles de Râmeswaram, c’est-à-dire par quelqu’un de très capable, et à l’abri autant que possible de tout le côté formaliste et extérieur. Une VRAIEinitiation: quelqu’un qui serait capable de tirer le Pouvoir et de te mettre dans des conditions suffisamment rigoureuses pour que tu sois capable de tenir ce Pouvoir – de le recevoir et de le tenir. Dès que tu as été parti et que je vous ai suivis, j’ai vu que ce n’était rien de tout cela qui allait se passer, quelque chose de très superficiel qui ne servirait pas à grand-chose. Mais quand j’ai reçu tes lettres et que j’ai vu que tu étais en difficulté, j’ai fait quelque chose: il y a des endroits qui sont favorables aux expériences occultes, Bénarès est l’un de ces endroits, l’atmosphère y est très pleine de vibrations de forces occultes et si on a la moindre capacité, elles se développent spontanément là. De même que l’aspiration spirituelle se développe très fortement et spontanément dès qu’on arrive dans l’Inde. Ce sont des Grâces. Des Grâces parce que c’est la destinée du pays et que ça a été son histoire èt qu’il a toujours été tourné beaucoup plus vers le haut et le dedans que vers le dehors. Maintenant, il est en train de perdre tout cela et de se rouler dans la boue, mais enfin... c’était comme cela et c’est encore comme cela. Et justement j’ai vu avec une grande satisfaction, quand tu es revenu de Râmeswaram avec ta robe, qu’il y avait encore une GRANDE dignité et une GRANDE sincérité dans cet effort des Sannyasins vers la vie supérieure et ce don de soi, d’un certain nombre de gens, pour réaliser cette vie supérieure. Quand tu es revenu, c’était devenu une chose très concrète et très réelle et qui a commandé tout de suite le respect. Avant, je n’avais vu qu’une copie, une imitation, une hypocrisie, une prétention – rien qui soit vraiment vécu. Là, j’ai vu que c’était vrai, que c’était vécu, que c’était réel, et que c’était encore un grand patrimoine de l’Inde. Mais je ne crois pas que ce soit très iépandu maintenant. En tout cas, c’est encore là et, comme je te l’ai dit, ça commande le respect. Et alors, comme je t’ai senti en difficulté et que les choses extérieures étaient en train non seulement de voiler mais de gâter les choses intérieures, ce jour-là, le jour où je t’ai écrit un petit mot (je ne me souviens plus quand c’est, mais je t’ai écrit seulement un mot, deux mots, que j’ai mis dans une enveloppe et que je t’ai envoyés), mais avec ces deux mots j’ai fait une grande concentration, je t’ai envoyé quelque chose. Je n’ai pas repéré les dates, je ne sais pas, mais il est probable que ça c’est passé comme je voulais, quand tu étais à Bénarès; et tu as eu cette expérience. Mais quand tu es revenu ici pour la deuxième fois, retour d’Himalaya, tu n’avais pas la même flamme que quand tu es revenu la première fois. Et j’ai compris que cette espèce de karma difficile tenait encore, qu’il n’avait pas été dissous. J’avais espéré que le contact de la montagne – mais dans une vraie solitude (je ne veux pas dire qu’il fallait que ton corps soit tout seul, mais il ne fallait pas qu’il y ait toutes sortes de choses extérieures et superficielles)... Enfin ça ne s’est pas produit. C’était que le temps n’était pas venu. Mais quand les difficultés sont revenues ici, alors, à cause de leur obstination, de leur apparence de Fatalité inéluctable, j’en ai tiré la conclusion que c’était un karma – là je l’ai su de façon certaine seulement maintenant. Mais toujours, j’avais la prescience de la vraie chose: c’est que c’est seulement un acte de don de soi TRÈS COURAGEUX qui peut effacer la chose – non pas courageux ou difficile au point de vue matériel, ce n’est pas cela... Il y a en toi une certaine zone du vital, un vital mentalisé encore très matériel, et qui subit beaucoup l’influence des circonstances, qui croit beaucoup à l’efficacité des mesures extérieures – c’est cela qui résiste. Mais c’est tout ce que je sais. Généralement, quand l’heure est venue pour un karma d’être conquis et absorbé dans la Grâce, l’image ou la connaissance ou l’expérience des faits exacts qui sont la cause du karma me vient, et à ce moment-là alors je peux faire... le geste qui nettoie. Pour le moment, ce n’est pas encore là. Seulement, et c’est cela que je t’ai écrit l’autre jour et que tu n’as pas compris, c’est justement sur le point le plus pénible, là où on a les suggestions les plus fortes, c’est là qu’il faut tenir le coup. Autrement, c’est toujours à recommencer, toujours à recommencer. Il y a un jour, un moment, où il faut que ce soit fait. Et alors vraiment, maintenant, il y a sur la terre une occasion qui ne se présente que dans des millénaires, une aide consciente, avec le Pouvoir nécessaire... Voilà. C’est à peu près tout ce que je sais. Enfin j’éprouve le besoin de faire quelque chose – faire quelque chose. FAIRE quelque chose, oui, c’est cela, c’est ça qui prend. Je suis en train de pourrir sur place. Hein? Je suis en train... j’ai l’impression de pourrir sur plate. Pourrir? Se décomposer. Tout se décompose. C’est bien cela... (Silence) C’est ça qui est le nœud du karma: c’est cette sensation, cette perception, le nœud du karma. Ma perception, c’est que j’ai quelque chose à faire, je ne sais pas quoi, et qu’après... Mais tu le prends comme quelque chose à faire physiquement? Oui, je ne sais pas, cette histoire de Congo belge3 par exemple, ça me semblait... Ça, c’est un enfantillage, excuse moi!... Je ne sais pas. Je rte le sens pas comme cela dans tous les cas... Vivre dans la forêt physiquement, une vie physique intense où on est libre, où on est pur, où on est loin... Surtout pas faire travailler ça, fini de la tête, et fini de penser quoi que ce soit. Et s’il y a un yoga, il se fera spontanément, naturellement, physiquement, et sans se poser une seule question de là-haut – surtout que ça ne fonctionne plus, ça (la tête).
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